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                                TACITE                    299

que les érudits aient encore soulevé cette question, qui me
paraît digne d'être examinée.
   Si l'on considère le double courant littéraire, partant du
second siècle et continuant parallèlement jusqu'à ce qu'il
se perde dans le cataclysme des invasions barbares, je
veux dire, le courant chrétien jeune et progressif, et le
vieux courant païen qui va en déclinant, on est surpris du
faible rôle qu'y joue la renommée du grand historien de
l'Empire. Les écrivains chrétiens sontàpeuprès muets sur
Tacite. Nous avons vu que Tertullien le cite une fois, et cela
pour le flétrir, à propos des Juifs, et il n'y revient plus.
Saint Augustin, qui rappelle sans cesse Cicéron, Sénè-
 que, Salluste, Tite-Live, ne prononce même pas le nom de
Tacite. Saint Jérôme, ce grand érudit, en fait une simple
mention. Vous en chercheriez vainement la plus légère
trace dans saint Ambroise, Lactance et généralement dans
les auteurs ecclésiastiques duiv e siècle. Paul Orose, qui est
forcé de lui emprunter quelques témoignages, et Sidoine
Apollinaire, qui en fait l'éloge, à deux reprises, font excep-
tion dans le w D'un autre côté, si vous interrogez les écri-
vains païens de la même période, ils répondent par le même
silence, à quelques exceptions près. Que conclure de ces
deux faits? Rien autre chose, sinon que dès le second
siècle, on oubliait déjà Tacite.
   Flavius Vopiscus nous apprend que l'empereur Tacite
qui parvint à l'Empire, vers le milieu du m* siècle, et qui
se glorifiait de descendre de notre historien, ordonna de
déposer, chaque année, dans toutes les bibliothèques
publiques, dix exemplaires des oeuvres de Cornélius
Tacite (1). Tous les érudits ont vu dans cette ordonnança
un juste hommage rendu par ce prince au génie de son
illustre aïeul, mais, ne serait-il pas permis aussi d'y voir
une mesure de précaution contre l'indifférence qui rendait
de plus en plus rare un des plus beaux chefs-d'Å“uvre de

  (1) Flav. Vopisc, in Tacitum, hist. Augujt. t. II.




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