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290                           TACITE

qui consiste à rattacher la matière historique à certaines
idées générales. Mais sans contredit, c'est à lui qu'on doit
cette philosophie qui montre comment les événements sont
modifiés par les principes ou les vues des personnages
politiques. Tacite né laisse rien passer sans en donner la
signification. Pour cela, le plus souvent, un mot lui suffit.
Il juge tout, note tout, éclairant ainsi la marche de son
lecteur.
   Je dis : la mise en scène, et c'est ici que notre historien
est incomparable. Quand on parcourt les écrits des autres,
on sent qu'on est dans le passé. Chez Tacite, on se croit
àans le présent. Un intérêt dramatique se lie au récit.
 Chaque fait devient une action pleine de vie et qui semble
 s'accomplir sous vos yeux, tant le talent du narrateur est
magique ! Ce qui fait que l'émotion n'est jamais épuisée,
et qu'on relit les mêmes choses toujours avec un plaisir
nouveau.
   Il est de grands écrivains qui, dans l'essor du génie,
ralentissent parfois leur mouvement au point de paraître
sommeiller, ainsi qu'Horace le dit d'Homère. Tacite ne
connaît pas ces défaillances du talent. Soit qu'il expose
une situation politique, soit qu'il raconte des événements
militaires, soit qu'il résume une suite de faits particuliers
pour en tirer des conclusions générales, il est constammen;
égal à lui-même ; l'œil le mieux exercé ne saurait y sur-
prendre un point d'arrêt, une lacune. On dirait qu'il a
fourni sa course tout d'une haleine, ou bien, qu'il a fondu
son Å“uvre d'un seul bloc.
    Et non-seulement on peut affirmer que les écrits de
Tacite sont exempts de pièces négligées, on peut soutenir
 qu'il en est de tellement soignées, que l'écrivain paraît
 évidemment s'être étudié à en bannir les plus légères om-
 bres.Telles sont les funérailles do Germanicus, le drame de
 Messaline, le meurtre d'Aggripine, le coup d'Å“il grandiose
 qui commence le premier livre des Histoires, r i u s j e l i s c e s
 pages et plus je me persuade que le génie de Tacite s'est par-