page suivante »
y 170 POÉSIE Pour moi du Général on souleva la tente ; La portière en ses plis lentement se drapa Et de son lourd manteau soudain m'enveloppa. J'avais bien résolu d'être forte et vaillante, Mais là , près de ce seuil, je restai défaillante. Sous le regard profond qui de loin me fixait, Me débattant en vain, tout mon corps fléchissait. Une voix demanda : «Qu'avez-vous à nous dire ? » Et je ne trouvais rien ; je souffrais le martyre... L'angoisse de mon cœur sur mon front dut perler : Mains jointes j'approchai ; pourtant je dois parler ! « Général, j'ai menti ; daignerez-vous m'entendre ? Pour pouvoir pardonner il faudrait tout apprendre ; j'abuse, je le sais, de moments précieux 1 » Sans doute il eut pitié de mon air anxieux. M'encourageant du geste, il me dit : t Soyez brève. » Alors je racontai le charmant, le doux rêve Que nous faisions à deux, pauvres déshérités, Les trois ans de travail, les ennuis supportés, Le remplaçant payé la veille de la guerre ; Notre amour assez fort pour braver la misère, Mariage fixé, puis séparation, Et notre désespoir et sa désertion... Si je tremblais encore en avouant la faute, Annonçant le retour, je parlai tête haute ! Dans ce fier général m'écoutant gravement, Je devinais un homme épris de dévouement. Je fus bien inspirée. A ces mots : « Je l'amène! » Se levant, il cria : Mais, c'est d'une Romaine ! Brave fille, elle vaut mon plus brave soldat ! Dans cette obscure enfant quel noble cœur il bit ! Demain, ce déserteur ne peut qu'être intrépide.,.. Il mesurait le sol d'un pas brusque et rapide Puis d'un ardent défi son œil étincela : — Ah ! si toutes étaient ainsi que celle-là ! Au lieu d'appréhender que la gloire ne sombre, Nous braverions la Prusse, et, que ferait le nombre ? Tous deviendraient héros parelles excités.