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                            TACITE                         275

Titus rendirent la dignité au gouvernement, la prospérité
à l'Etat; mais 1« régne affreux de Domitien replongea la
République dans la boue et dans le sang.
   Il faut lire le beau livre des Césars, par M. Franz de
 Champagny, si l'on veut se faire une idée de ce qu'était de-
venue Rome sous l'action délétère du césarisme, et de ce
que la succession des tyrans et des révolutions avait pro-
duit dans les mœurs, de dépravation; dans les caractères,
d affaissement.
   C'est à cette phase dernière d'oppression, où, selon l'ex-
pression même de Tacite, Domitien, frappant à coups re-
doublés, semblait vouloir anéantir la république, que cet
historien nous apparaît. Né, ainsi que nous l'avons dit,
vers le milieu du siècle, il en avait étudié une partie par
lui-même, et appris l'autre, soit dans les mémoires, soit
 par les récits des personnages considérables qui l'avaient
traversée. Alors encore, un écrivain qui sentait son ta-
lent d'historien, acceptait volontiers de l'exercer sur son
temps. On se défiait moins qu'aujourd'hui, pour l'exacti-
tude des jugements, de l'émotion qu'excite la proximité des
faits. Tacite nous laisse entrevoir que la tâche de raconter
son époque ne le rebuta point. La manière dont il l'a rem-
plie peut nous apprendre comment il l'envisagea.
  Ici, (et ce n'est point, une fiction) je me représente Tacite
debout devant son siècle, passant en revue, de son regard
d'aigle, les hommes et les choses qui s'y déploient. D'un
côté, ce sont des princes sans génie, sans grandeur exté-
rieure, pour racheter leurs vices ; de l'autre, c'est un sén a
servile, une noblesse sans patriotisme, une populace
affamée de jouissances matérielles, depuis que les intri-
gues du forum n'occupaient plus son activité; enfin, des
armées indisciplinées et déjà barbares. Il y a bien encore
quelques belles renommées militaires, quelques restes des
vertus antiques échappées à la corruption générale; mais
ces rayons égarés d'une splendeur disparue ne servent