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                           TICITR                         295
 ne possédait aucun corps de doctrine, qui n'était qu'un
 amas confus de rits extérieurs, se rattachant à des fables
 ridicules, comment une telle religion aurait-elle pu entraî-
ner l'adhésion d'un homme sensé? Aussi, en dehors de
l'assentiment légal que Tacite professe à l'égard du poly-
 théisme, voyons-nous qu'il a eu recours à la philosophie
pour satisfaire le besoin de croyance qui poursuivait son
 âme. Mais, chose étrange! si nous l'en croyons, ce ne sont
 point les écoles les plus réputées qui auraient attiré son
 attention, il se serait adressé à l'astrologie. Sa tentative
 ne fut pas heureuse, c'est lui qui nous l'apprend : après
 avoir comparé les divers sentiments professés par les
 adeptes de cette école ; après avoir vu les uns nier que les
 dieux prissent quelque souci du commencement et de la fin
 de l'homme ; les autres, enlever aux astres toute influence
 sur la destinée humaine, puis soumettre cette destinée à
je ne sais quel enchaînement des causes premières; après
 avoir vu ceux-ci soutenir que le sort des mortels est irrévo-
cablement fixé au moment de la naissance; ceux-là, que le
bonheur réside dans la constance à supporter les disgrâces
de la fortune, le malheur, à abuser de ses faveurs, fatigué
de demander à de vains systèmes la solution des difficul-
tés qui déconcertent sa raison, et ne pouvant se résoudre à
flotter éternellement entre des divinités sans providence
et une aveugle fatalité, il finit par pousser ce cri déses-
péré : « Pour moi, je doute si les événements de cette vie
sont asservis aux lois d'une destinée immuable, ou s'ils
roulent au gré du hasard. » (1)
   Ainsi, voilà un grand esprit qui pense que les dieux ont
moins de souci de l'univers que les Césars n'en ont de
l'Empire ; un grand esprit qui croit à la vertu et en rejette
les fonderaents ; qui adore la liberté politique et nie la
liberté naturelle ; un grand esprit qui ne sait ni d'où il



  (1) Annal. VI, XXXII.