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RÉCIT D'UNE FEMME DU PEUPLE i Il est bien dur parfois le chemin de l'honneur. Je fus de ces enfants qui n'ont pas de bonheur ; Mes parents, en six mois, partirent de ce monde. J'allais avoir sept ans, j'étais chétive, blonde, Et triste à me sentir constamment un sanglot. Près du dernier cercueil le village aussitôt Tout entier assemblé, parlait pour moi d'hospice, Quand la mère Gertrude, (ah ! que Dieu la bénisse ! Mais combien j'ai connu la lourdeur de sa main ! ) Consentit à me prendre, à me donner du pain. Je devais la servir, mener paître la vache : Soigner la bête était le plus doux de ma tâche ; Sans elle j'aurais fort regretté l'hôpital ! Je comptais moins qu'un chien, mangeant tant bien que mal ; De chacun commandée avec une voix rode, Mon âme pâtissait de cette servitude Au point que, lentement, s'étiolait mon corps. Comme elle a dû pleurer jna mère, chez les morts, Si mes larmes, hélas ! sur son cœur retombèrent ; Si Dieu lui laissa voir quels ennuis m'accablèrent î Le pain de l'étranger est toujours étouffant, Je plains bien qui le mange, oh ! surtout un enfant ! 11