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                                TACITE                        293

 modernes, bien que moins classiques, c'est-à-dire moins
 exclusivement dévoués au type cicéronien que leurs de-
 vanciers, et peut-être parce qu'ils sont moins classiques,
 ont compris la philosophie, la moralité, le caractère artis-
 tique, l'originalité narrative de notre historien, et lui ren-
 dent mieux justice.                               # .
   Mais Tacite s'est attiré un reproche autrement grave que
 les critiques des littérateurs, c'est celui d'avoir forfait à la
 vérité. Et ce reproche, ce n'est ni un philosophe chagrin,
 ni un humaniste prévenu qui le lui adresse, c'est un père
 de l'Eglise, TertuUien qui, avec son énergie africaine, le
formule ainsi : Cornélius Tacitus, Me             mendaciorum
 loquacissimus, Corneille Tacite, cet insigne menteur. (1)
Niera-t-on cette accusation ? Ce ne serait rien faire, car
TertuUien l'appuie sur des preuves. Le seul partiàprendre
est de la circonscrire. En effet, quand on voit Tacite s'ac-
corder généralement dans ses écrits avec les historiens
parallèles, quand on examine avec quel scrupule il a
consulté les mémoires contemporains, avec quelle critique
sagace il contrôle ses renseignements les uns par les
autres, il serait difficile d'admettre qu'un tel écrivain se
soit fait une habitude de manquer à la vérité. Du reste,
TertuUien, en appliquant son accusation à un passage
déterminé du Ve livre des Histoires, semble lui-même
indiquer la mesure qu'on doit lui assigner. Heureuse
ment le temps a épargné l'endroit de Tacite qui contient
le témoignage incriminé, nous pouvons donc le discuter
et apprécier la gravité de l'accusation.
   Il s'agit des Juifs. Ce peuple, suivant Tacite, ayant été
expulsé de l'Egypte par le roi Boccoris, et se trouvant sur-
le point de périr de soif dans le désert, fut inopinément
sauvé par un troupeau d'ânes sauvages qui enseignèrent
à Moïse, son chef, des sources abondantes. Or, la figure



  (1) Ad natioms, lib. 1., n° 1 \ .