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294                         TACITE
de l'animal, dont les traces avaient indiqué le salut, devint
plus tard une idole consacrée dans le sanctuaire de la na-
tion. Cette fausseté, que Tacite, sans y prendre garde,
dément quelques pages plus loin, n'est même pas la seule,
car, le récit de l'historien sur l'origine, la patrie primitive,
le nom et la religion des Juifs, n'est qu'un tissu de fables
puisées à des diatribes haineuses et sans crédit. On éprouve
un juste sentiment de pitié, en voyant le grand historien
prêter les magnificences de son style à ces contes ridi-
cules.
   Mais ici, le judicieux Tacite paraît si différent de lui-
même, il raconte ces faits controuvés avec une si naïve
candeur, qu'on ne peut rien en conclure contre sa sincé-
rité en général. Malgré le mot de Tertullien, il est même
permis de dire qu'il n'a pas menti, qu'il s'est seulement
trompé. Hâtons-nous d'ajouter que les préventions reli-
gieuses de l'homme ont contribué plus que les documents
erronés à égarer l'historien. A ce propos, il ne sera pas
inutile d'examiner quelle fut la religion de Tacite. Mon-
taigne l'a dit : le malheur de Tacite étlit d'être payen. Et,
en effet, tout ce qu'il a écrit sur le respect dû aux dieux,
sur leur culte, sur les augures, les aruspices, enfin sur le
système des superstitions romaines, ne permet pas d'en
douter. Mais était-il payen convaincu ? Il y aurait de la
naïveté à l'affirmer. Tacite était payen par patriotisme,
parce que le paganisme était la religion de Rome et de
l'Empire. Il était payen, à la manière de Cicéron, qui sou-
tenait que l'opinion du vulgaire et l'utilité de la Républi-
que font un devoir de conserver les coutumes, la religion,
la discipline, le droit des augures et l'autorité de leur
collège (1). Dans le fonds, Tacite, comme tous les hommes
instruits, ne croyait pas au paganisme. Et de fait, com-
ment une religion, qui ne présentait aucun symbole, qui



   (1) De Divin. XXXIII.