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428 DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE. laissa éclater dans les proscriptions. Montesquieu a fait de Syila un dilettante du despotisme aristocratique, pros- crivant et abdiquant par des raisons égoïstes de dignité et de grandeur personnelle, sans intérêt et sans passion de parti. M. Mommsen en fait un réformateur terrible et sérieux qui aurait donné à Rome une constitution assez durable, et même (chose étrange à dire) qui aurait fondé l'unité italienne. Sylla ne fut ni si subtil dans son orgueil, ni si profond dans ses vues. C'était un patricien pour qui la patrie en- tière était contenue dans l'enceinte sacrée de la ville de Rome. Les Romains des autres villes n'étaient pour lui que des étrangers, des intrus que Jupiter et les dieux pénates ne connaissaient pas. Débauché comme un Grec, sceptique comme un disciple d'Âristote en face des reli- gions étrangères, il avait dans Rome des superstitions d'augure, et croyait, comme Camille, que l'empire du monde était fixé par le Destin au Capitole et aux collines de la cité patricienne. Quand il revint en Italie, il ne reconnut plus Rome. Un peuple nouveau, celui qu'il croyait avoir abattu dans la guerre sociale, 3/ faisait la loi et y nommait les consuls. Il lui sembla qu'en son absence on lui avait dérobé sa patrie, celle du moins pour laquelle il venait de combattre et de remporter des victoires. Les Italiens qui, à ses yeux, étaient des usurpateurs du nom romain, qui avaient com- mis le plus immense sacrilège, il les livra à la fureur de ses vétérans gorgés d'or. Il déchira la nation italienne, proscrivant, exterminant des peuples tout entiers, comme les Samnites , les Prénestins. Mais à cette œuvre san- guinaire et absurde il usa sa puissance absolue. Cicéron nous dit que les Etrusques conservèrent malgré lui le droit de cité romaine. Sylla abdiqua par désespoir, ca- chant sa défaite sous l'apparence d'un calme dédaigneux. Son indifférence était une dernière insulte à l'Italie terri- fiée, mais non détruite. Pour désavouer tout remords de