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CHRONIQUE LOCALE. 407 urnes que l'on conservait religieusement ; on élevait un monument pour en perpétuer la mémoire. Là aussi, l'art du sculpteur se donnait carrière, et je ne puis résister au plaisir de citer l'un de ces monuments qui m'a émer- veillé par son application allégorique de la plus grande justesse. C'est un superbe mausolée en marbre, d'assez grande dimension, sculpté avec un art infini et qui représente : un navire entrant dans le port avec des matelots sur les vergues serrant les voiles ! Je ne connais rien qui puisse mieux faire toucher ce que l'on veut dire que l'indication si poétique et si juste de celte fin, de ce terme du voyage. Depuis 1850, bien d'autres parties de celle ville opulente ont dû être retrouvées et d'autres magnificences mises à jour ; mais ce que l'on con- naissait à cette époque démontre surabondamment que les arts étaient cultivés avec beaucoup de succès, dans cette contrée, à une époque fort reculée, la nature étant prodigue des matières premières, le marbre, etc. Il en est encore de même aujourd'hui, le marbre se rencontre partout; je me souviens d'une église à Naples, dont le nom m'échappe, dans la cons- truction de laquelle n'est entrée aucune autre matière. Les Napolitains excellent encore aujourd'hui dans las culpture des camées, la confection de différents ouvrages en corail, qui se pêche dans leurs eaux, nulle et mille petits objets avec de la lave du Vésuve (corps très-tendre, d'un gris de cendre, sans cohésion). La musique est aussi en grand honneur chez eux et cultivée par tous. Dans la belle saison, le soir, les barques, les chaloupes s'emplissent de musiciens qui vont en rade jouer et faire entendre leurs mélodies les plus suaves autour des navires étrangers, et les équipages leur sont reconnaissants lorsqu'ils viennent en- suite solliciter l'autorisation de monter à bord pour tendre leurs sébiles. Tout cela est le beau côté de la médaille, qui n'est pas sans revers. Mais ce serait sortir du cadre que je me suis trace. Veuillez agréer, Monsieur, etc. P. M. Lyon, le 15 mai 1872. CHRONIQUE LOCALE La ville de Lyon est profondément agitée, et, à vrai dire, cela ne nous étonne pas ; les causes abondent. Première : l'inondation. Depuis un mois, il ne cesse de pleuvoir. Du temps de Noé, il ne fallut que quarante jours pour couvrir et noyer la terre. Seconde : l'Exposition universelle. Annoncée, prédite, organisée, ren- voyée, elle a eu contre elle l'indifférence, l'incrédulité, les Prussiens , la Commune, la lassitude, l'effroi, le découragement et l'eau. C'est à un point que les promeneurs, en voyant le palais gracieux et léger qui court le long du Rhône, en sont encore à se demander si ce n'est pas l'effet d'un mi- rage, si ces constructions existent et si l'Exposition aura lieu ? Troisième : l'exploitation de noire Grand-Théâtre par la troupe de la Gaîté et les mirifiques décors de la Chatte Blanche nous apprennant jus- qu'où peuvent aller les trucs qui ont remplacé l'art de Corneille.