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I,A FONTAINE BU DIABLE:. 321
Joseph tenait religieusement les moindres promesses
quïl avait faites a son amie ; il visitait tous les lieux
qu'elle aimait dans son enfance, cherchant à y recueillir
les parcelles même de son divin souvenir... Là , il l'avait
bercée, tout enfant, sous l'ombrage ; ici, il avait entendu
son premier aveu ; plus loin, il l'avait vue pleurer et il
avait pleuré lui-même. Les Beaumes et le quartier de
Faventines où elle était née, avaient ses fréquentes
visites.
Un jour, comme il souffrait beaucoup, voulant souffrir
encore, car les infortunés s'abreuvent de leur amertume,
se plongeant avec une sorte de volupté sauvage dans
l'océan de leurs angoisses, il voulut aller voir cette
Fontaine du Diable qui avait été témoin des premières
émotions de leur amour. Yvonne l'avait accompagné,
malgré lui. Sans doute, il aimait beaucoup sa chère
nourrice, mais le désespoir cherche l'isolement. Arrivé
devant la grotte, ses pas chancelèrent ; il s'appuya sur
l'épaule de la Bretonne, revit en un instant tout son
passé d'amour et de douleur, que son imagination ar-
dente lui retraçait vivement, et cédant à un besoin irré-
sistible, il lança, à l'écho de la grotte profonde, le nom
chéri de Madeleine, avec une force extraordinaire et poi-
gnante... Aussitôt il tomba entre les bras de la pauvre
Yvonne désolée... puis par terre, au moment où elle ne
s'y attendait pas... Quand elle voulut le relever, il était
mort !...
La douce Madeleine de Faventines, dont l'âme blanche
et lumineuse errait peut-être autour de Joseph, était ve-
nue le chercher.
Lorsque vous passerez devant la Fontaine du Diable,
quelque tardive que soit l'heure, quelque violente que soit
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