Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
300               LA FONTAINE DU DIABLE.

   Et, fort comme an athlète, le vigoureux baron réalisa
cette menace en rompant son arme.
   Madeleine, timide jusqu'alors, eut un regard de défi.
   — Vous ne ferez point cela, monsieur! s'écria-t-elle
avec exaltation.
   — Et pourquoi, s'il vous plaît?..
   — Parce que je me mettrai entre vous deux, pour pro-
téger l'innocent, et vous me. percerez le cœur avant d'ar-
river à celui que j'aime !..
    Le jeune baron était silencieux et comme suspendu aux
paroles de Madeleine de Faventines.
   — Vous ne le ferez point, continua celle-ci, parce que
je sais que vous avez de l'honneur et que TOUS ne you^
 driez pas vous venger sur quelqu'un qui ne vous a fait
 aucune injure !..
    Ce mot d'honneur, dans la bouche de Madeleine, ce
mot si français eut un effet surprenant sur l'âme loyale
 du jeune Crussol. Ses prunelles devinrent plus douces,
il se mit de nouveau à genoux, lui qui s'était levé un
moment avec fureur, et joignant les mains :
    — Pardon, mademoiselle !.. vous êtes aussifière, aussi
courageuse que belle et je vous admire encore plus ! Sans
doute, toutes les qualités que je découvre en vous exci-
tent davantage mes regrets... mais je ne veux pas vous
offenser... Heureux mille fois celui qui possède votre
cœur !.. je le respecterai à cause de vous, qui le défendez
si bien... Je vais me retirer l'âme navrée, toute pleine de
votre souvenir... Bientôt, dans les guerres de religion,
que nous sentons poindre au loin, je chercherai une occa-
sion pour me faire tuer, en prononçant votre nom !.. Et si
l'on vous dit que Jacques de Crussol est mort noblement,
croyez alors que ce sera sous l'influence de son amour...
Adieu, mademoiselle, adieu !.. accordez-moi, pour unique