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LA FONTAINE DU DIABLE. 201 aussi sa place au milieu de cette magnifique et solen- nelle nature. Du côté opposé, l'œil du touriste aperçoit la chaîne des Alpes dauphinoises et reste en admiration devant le grandiose de ces belles montagnes, devant leurs teintes variées, leurs couleurs tantôt d'un sombre azur, tantôt d'un bleu lazuli, auxquelles se mêlent des nuances de granit rose ou des reflets d'or , que le soleil couchant leur envoie comme des baisers d'adieu. Puis, lorsqu'on redescend dans le délicieux vallon, on retrouve avec transport l'ombre, la verdure , les fleurs, les petits ruisseaux que courtisent les libellules, pour s'y plonger dans un bain matinal ou pour folâtrer à l'aise tout à l'entour. On regarde les clochettes bleues qui se balancent, les marguerites, qui sont heureuses d'aspirer la brise, les douces violettes embaumant les airs, et l'on s'assied, écoutant la chanson nouvelle des chardonne- rets sémillants, des merles audacieux, des linots, du pinson, de la fauvette, quelquefois du rossignol, et l'on écoute encore, et l'on voudrait écouter sans cesse, ado- rateur que l'on est de toutes les blondes choses , de tous les sourires de la terre et du ciel ! Or, un soir de juillet de l'année 1 5 . . , la vallée des Beaumes était recouverte d'un voile orageux , qui déro- bait les charmes qu'elle laissait voir d'ordinaire aux étoiles mystérieuses et à la lune argentée ; mais reine des nuits et astres divins avaient disparu ; le ciel était d'un noir de mauvais augure ; le tonnerre se faisait en- tendre avec des grondements sourds, pour répondre à des éclairs rapides, se pressant les uns les autres, comme pour une magique illumination. Le mistral, que nous octroie bénévolement la Provence, soufflait, ce soir-là , à déra- ciner les arbres ; et les nuages de se déchirer en zigzags