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                          DIVAGATIONS.                       5S3

    Quelques poètes se sont même avisés de placer les six pre-
 miers pieds d'un vers alexandrin sous un numéro et les six
 derniers sous un autre : ce tour de force décqre certains poè-
 mes du jour fort goûtés; cet enjambement acrobatique, ce
saut du tremplin littéraire a eu beaucoup de succès.
    Les lopins de vers ou de prose numéroté», comme des voi-
 tures de remise, ont cela de commode que, s'ils n'ajoutent
qu'à la valeur numérique de l'œuvre, ils permettent du
moins au critique de signaler les numéros des divers frag-
ments sur lesquels portent ses observations et d'en préciser
l'endroit.
   Aristote avait imposé trois unités gênantes aux faiseurs de
pièces dramatiques, et je conçois que ceux-ci dans l'intérêt de
la facilité de leurs allures, s'en soient affranchis ; mais je
concevrais moins les auteurs qui, à l'avenir, repousseraient
les numéros dont je parle ici. Ils auraient certes bien tort :
rien de plus agréable que cette manière d'étiqueter ses
idées et de passer de l'une à l'autre à l'aide d'un chiffre. Cela
ne me semble pas d'une grande difficulté ; je suis même
tenté de l'employer moi-même, et si mes lecteurs me le per-
mettent, je ne commencerai pas plus tard qu'à présent.

                              III.
   Mais si les auteurs de notre époque ont seco,ué le joug
de règles gênantes, s'ils ont consfilué ce que j'appellerai le
bon temps de la littérature, je n'en reste pas moins persuadé
que son beau temps fut le grand siècle de Louis XIV. Les ré-
putations qui s'élevèrent alors sont encore debout. En vain
la révolution politico-littéraire de 1830 essaya-t-elle d'en
abaisser la grandeur. Semblables à ces hauts rochers de la
grève de l'océan, couverts un moment par la marée et qui
surgissent plus ailiers quand elle se retire, ces colossales re-
nommées dominent encore le monde des intelligences et
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