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LA DAME AUX BÊTES. 449 par gratitude. Son neveu n'osait reparaître chez elle, lorsqu'il lui vint dans la pensée d'utiliser, pour apaiser sa tante, le talent qu'il avait pour le dessin. La couleur, la mine et l'encolure de Doxine étaient restées dans sa mémoire comme jadis sa fourrure restait adhérente à ses vêtements ; il fit renaître dans un charmant pastel la chatte adorée et vint l'offrir à celle qui la pleurait encore. La veuve, attendrie par cette expiation artistique du méfait de son neveu, lui rendit ses bonnes grâces et suspendit au-dessus de Diane empaillée le portrait de Doxine: toutes deux, placées dans sa chambre, adoucissaient l'amertume de ses regrets. Puis serins et canaris avaient eu la succession de tendresse que la veuve portait à sa chienne et à sa chatte ; les visites à la vo- lière étaient plus fréquentes, les oiseaux qui planaient dans une cage au-dessus de sa tête étaient surchargés de verdure, encadrés dans des pèlerines, et ne chantaient presque plus parce qu'ils mangeaient toujours. Cependant, quand la Dame aux Bêles recevait des visites, les volatiles, électrisés par le babil qu'ils entendaient, semblaient sans cesse vouloir le dominer par leurs accents ; il fallait alors, pour se faire entendre, lutlercontre un quatuor de canaris très-retentissant ; les poitrines les plus fortes s'épuisaient dans ce combat à outrance, car chacun connais- sant le faible de la veuve pour ses oiseaux n'osait se plain- dre de ce concert assourdissant. Sur ces entrefaites, le pasteur de la commune ayant été informé des deux pertes éprouvées par la veuve et de son dé- sespoir , crut devoir venir lui témoigner quelque sympathie pour'sa double affliction, qu'il ne partageait cependant qu'en ' lui en laissant beaucoup plus de la moitié. Il arriva donc avec une figure pileuse montée au diapason de la circons- tance, comme pour faire une visite de deuil : la veuve lui sut gré de son intérêt, et de suite commença entre eux une conver- 29