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3C0 DEUX ITINÉRAIRES Cela dure ainsi pendant quatre heures. Le soleil s'est levé; nous avons dépassé la hauteur du jardin que nous admirons en le laissant au-dessous de nous a notre gauche. C'est un jeu bien curieux de la nature que cette oasis de verdure perche'e sur un îlot de rochers au milieu de cet océan de glace. Nous ne pouvions en détacher nos yeux pendant la halte que nous fîmes sur ce point pour déjeuner. Mais en les reportant au- dessus de nous, une autre impression nous saisissait. Nous mesurions le gigantesque chaos de glaces et d'éboulements neigeux qu'on appelle les Séracs, et que nous allions esca- lader. En avant! a la rescousse ! il est 8 heures, il importe de faire cette escalade avant que la trop grande intensité des rayons solaires n'amène des commotions et des ébranlements dans ces masses effroyables. Voici en deux mots ce que sont les Séracs. C'est un point d'intersection entre l'extrémité sud de la mer de glace et la crête du col du Géant. Ce ne sont plus les vagues gracieuses et moutonnantes de celle-là , c'est un océan furieux et déchaîné avec d'horribles lames grosses comme des collines. C'est un entassement cyclopéen et inex- tricable de blocs Ce glaces erratiques de toutes les formes et de toutes les dimensions, enchevêtrés les uns dans les autres suivant les caprices désordonnés des commotions qui, cha- que jour d'été, les unissent ou les séparent. D'innombrables figures géométriques en découpent les profils et les arêtes; d'épouvantables abîmes azurés et étincelants s'entr'ouvrent béants autour d'eux, et les enlacent de leurs tranchées si- nueuses. Ce ne sont plus de simples crevasses; ce sont des cratères sans fond et sans mesure. A voir ce prodigieux spectacle, on dirait qu'on a sous les yeux les ruines accumulées d'immenses cités construites "par les Titans, cités dont les moellons se seraient vitrifiés et changés en glace. Des tours, des bastions, des dômes, des