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                         DANS LES ALPES.                       341

de sorte que nous reprîmes notre chemin en fredonnant sur
un air célèbre :
               Le renard, honteux et confus
        Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
   Après avoir déjeuné au grand village de Saint-Nicolas, nous
remarquons en passant les maisons du hameau à'Emd, per-
chées sur des prairies tellement pentueuses qu'un vieux dic-
ton du pays assure que les poules elles-mêmes auraient be-
soin d'être ferrées pour pouvoir s'y tenir, et nous arrivons a
deux heures à Stalden qui forme le sommet du triangle dé-
crit par les deux vallées de la Viège; celle de Zermatt, et celle
de Saas. C'est fa aussi que se réunissent les deux bras de la
Viège, Lauser JVisp et Goner Wisp, pour descendre jusque
dans la vallée du Rhône, qui les reçoit.
   Nous entrons dans la vallée de Saas. Le passage est tou-
jours varié, la nature riche, les perspectives saisissantes ;
mais de nombreuses croix de bois plantées le long des sen-
tiers, en font une espèce de voie funéraire. Chacune de ces
croix indique la date de la mort et le nom des victimes qui
ont succombé, ensevelies sous les avalanches. Il n'est pas,
dans les Alpes, de couloir plus dangereux que ce passage ;
je conseille aux touristes de ne jamais s'y aventurer avant la
mi-juillet. A cette époque, jusqu'à la fin du mois d'août, ils
n'ont rien à redouter.
   Après avoir traversé le joli village de Balen, nous entrons
à Saas à cinq heures, et comme il nous reste encore trois
heures de jour, nous n'avons rien de plus pressé que de cou-
rir à l'étrange et splendide cirque de Montefee, en allemand,
Allelinhorn. Qu'on se figure , au-dessus d'une superbe forêt
de sapins, une alpe, une vaste enceinte de prairies émaillées
des fleurs les plus variées, circulairement bordée et trangée
par de limpides glaciers qui viennent expirer au pied des
chalets. C'est un coup d'œil ravissant et féerique, aussi cette