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DECHAZELLE. 263 « drais bien pouvoir m'en débarrasser. » Le bonheur voulut qu'un acquéreur se présentât à l'instant. C'était un original, je veux dire un de ces Anglais, qui se jouent des révolutions, et qui, comme des requins, suivent les bâtiments renfermant des moribonds. M. Dechazelle lui dit : « Comment se fait-il, Monsieur, que vous vouliez « faire une acquisition semblable, dans un moment où « le torrent delà révolution paraît nous entraîner ? » — « C'est pour cela même que je viens ici, pour jouir de ses « bienfaits. » Le marché fut bien vite conclu, mais comme il y avait 60,000 fr. en or cachés sous l'âtre de la cheminée d'un salon, « vous me permettrez de vous « dire, ajouta M. Dechazelle en riant, que ceci n'est pas « compris dans le marché. » C'est tout au plus si l'An- glais jouit quinze jours de sa belle habitation : les cris féroces de la populace, les têtes promenées dans les rues, le forcèrent d'abandonner sa villa et de retourner sur les bords de la Tamise. Avec l'argent de cette maison de plaisance, M. Decha- zelle eut le bon esprit d'acheter un bon domaine à Par- cieu. C'était une propriété qui avait appartenu à la célè- bre Louise Labé. Les affaires de commerce, étant pour ainsi dire, suspendues, nous vînmes passer quelques temps dans cette nouvelle acquisition. C'est là que j'ai connu plus particulièrement l'homme de bien, dont je fais l'éloge. Ses bons exemples, ainsi que ceux de sa famille, ne laissèrent pas que de faire une impression profonde sur mon cœur. M. Dechazelle, retiré dans sa solitude, croyait être à l'abri des tracasseries révolution- naires, qui avaient lieu dans la ville; mais bientôt, comme tous les gens riches, il ne tarda pas à être inquiété.