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234 DEUX ITINÉRAIRES
Tout en répondant, le petit Napoléon amène devant la
porte sa voiture nettoyée et sa bête pimpante et proprette.
Mon ami C... a le coup d'œil sûr et prompt.—Diable! dit-il
au jeune vetlurino, voici un cheval qui ressemble terrible-
ment à l'autre ; même taille, même encolure, même poil,
mêmes signes aux mêmes places.
— Ah ! que nenni ! Monsieur fait bien erreur. La preuve,
c'est que l'autre avait la tête entièrement bai, et que celui-ci
a une tache blanche bien visible sur le front, entre les deux
tempes.
Stupéfait, C... contemple cette tache faite en-forme d'étoile
rudimentaire, et s'écrie qu'à part elle, ce coursier est le
frappant sosie de l'autre. La-dessus, il mettait le pied au
marchepied, quand pris soudain d'une soudaine inspiration,
il gratte de l'ongle cette blanche étoile, d'où s'échappe a
l'instant une fine nuée de poussière d'albâtre.—Qu'est-ce que
cela ? dit-il, et prenant aussitôt une brosse d'écurie, de frotter
avec énergie le front de l'animal. Au bout d'une demi-minute,
il ne restait plus trace de la rosace blanche. La métamor-
phose était évanouie et les secrets du petit Napoléon dévoi-
lés. Simple comme la nature, dans ses procédés, il lui avait
suffi d'un peu de vernis blanc pour créer un être nouveau.
J'avoue que devant cette conception de génie , nous fûmes
désarmés et rîmes a gorge déployée, au lieu de nous fâcher.
" Nous partîmes au galop, et sans avoir a nous repentir de
notre magnanime pardon, car, l'éternel jouvenceau du Val
d'Aosle, piqué d'honneur, voulant nous prouver que son
cheval était infatigable, nous fait arpenter, avec une prodi-
gieuse rapidité, les trois ou quatre lieues qui séparent Aoste
de Châtillon (Castiglione) ; dans cette portion de la vallée, le
paysage est moins accidenté, mais il est encore plus riant et
plus riche. Les villages de Nuz, de Villefranche, de Chambave,
sont gracieux et coquets. Les berceaux de vignes qui ombra-