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224                    DEUX ITINÉRAIRES

 le col du Petit-Saint-Bernard, gardés par le Belvédère, le
 Valaisan et les autres montagnes qui bordent ce passage.
 Quand de la dernière cîme du Cramont on contemple tout
 cela, le ravissement qu'on éprouve est tel, qu'on n'a. plus
 la force de s'arracher a ce spectacle. On est fasciné, et il
 faut un effort sur soi-même pour se décider à redescendre.
 Je comprends les émotions de M. de Saussure dans les deux
 ascensions qu'il a faites, et, toute ma vie, je me rappellerai
 comme un rêve enchanté le repas que nous fîmes a deux
 cents mètres environ au-dessous du sommet extrême,
 abrités dans l'anfractuosité d'un rocher, et ayant devant les
 yeux ce grandiose et unique tableau.
    Méfiez-vous du sentier des bergers, tel est le mot d'ordre
que je conseille à tous les touristes dans les Alpes. Nous
en avons appris la valeur à nos dépens, malgré notre ex-
périence.
    De la cîme du Cramont, un sentier presque toujours bien
tracé vous conduit en deux heures, par une pente modé-
rément rapide, au beau village thermal de Pré-Saint-Didier.
Deux autres heures vous suffisent ensuite pour gagner
Courmayeur, où nous avions fixé le terme de notre étape :
total, quatre heures.
   C'est de ce côté seul que le Cramont est réputé accessible;
toutes ses autres faces, notamment celle qui regarde Cour-
mayeur, sont littéralement à pic.
   Mais, quand, de la cîme du mont, on contemple à ses pieds
la vallée de Courmayeur, et qu'on ne se sent séparé de cette
bourgade que par un trajet d'une heure a vol d'oiseau, on
éprouve l'irrésistible désir de braver le précipice et de se
laisser couler jusqu'au but qui paraît si voisin, en dédai-
gnant les vulgaires détours que la prudence conseille.
   C'est ce désir que nous manifestions a notre guide au
moment de redescendre la montagne.