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DU MARÉCHAL CASTELLANE. 201 formez-vous en colonne serrée pour défiler, la tête à hauteur du second arceau. » Plus d'un officier supérieur jeta, dans cette occasion, sur les quatre faces de Bellecour, un regard éperdu. Point d'arceaux ! Si personne ne venait à son secours, on le voyait bientôt perdre contenance, effaré comme un maire de village qui, devant son souverain, a oublié le premier mot de son discours. Ce second arceau restera dans la mémoire de tous ceux qui ont servi sous le Maréchal de Castellane. C'était tout simplement la porte d'un magasin de chapellerie situé entre la rue Saint-Domi- nique et la Saône. Il paraît qu'autrefois il y avait là des arceaux : les rues pouvaient changer, les consignes jamais! Arceau de Castellane, œuf de Colomb ! Quant aux jalonneurs, leur pose était de tradition dans l'état- major du Maréchal; les placer sans initiation préalable, impossible ! Le défilé fit toujours l'admiration des Lyonnais, dont pas un, grâce à lui, n'ignore aujourd'hui de quels éléments se compose une armée. Tout défilait, même les deux bateaux sur leurs ha- quets ; et certes, au milieu de cette place remplie de monde et sous un soleil torride, ces deux grandes barques ne manquaient pas d'originalité. Le caisson d'ambulance, destiné en 'campagne au transport des blessés, étonnait aussi les bons bourgeois et, par son allure calme et même un peu triste, remuait les fibres secrètes de la sensibilité féminine. Il était rare qu'après chaque parade, il n'y eût pas une femme ou un enfant blessé. Le Maréchal, on le sait, avait toujours la main ouverte et ne faisait pas examiner de trop près les bles- sures prétendues. Que ce fût une manière peu délicate de de- mander l'aumône, il s'en souciait médiocrement; aimant mieux donner sans preuve suffisante que de refuser par méfiance. Quel- ques malheureux accidents de ce genre arrivèrent réellement; il n'était pas alors de satisfaction au pouvoir du maréchal qu'il ne s'empressât de donner. Aussi Castellane pouvait-il encombrer les rues d'hommes, de chevaux et de canons, personne ne fut jamais tenté de se plaindre.