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LES CROISADES. 149 affranchir son tombeau et relever sur le Calvaire l'étendard de la Croix; ils y allèrent attaquer les ennemis de leur in- dépendance autant que de leur culte, conjurer en Asie les dangers de l'Europe. Est-ce Fa une folie? Si c'en est une, je demanderai à mon tour quel nom il faut donner aux guerres entreprises pour faire prévaloir un système, une utopie, pour servir l'ambition d'un souverain, l'orgueil ou la jalousie d'une nation ? On reproche aux Croisades leur caractère religieux; c'est- à -dire qu'on leur reproche de n'avoir eu pour mobile au- cun intérêt humain. Mais c'est précisément en cela qu'est leur plus pure gloire. Nos pères n'ont pas mis leurs armes et leur sang au service de la politique, d'un but personnel ou national, d'une passion, de la gloire elle-même ; ils ont combattu pour la religion, c'est-à -dire pour la cause la plus noble, la plus sacrée entre celles qui font ici-bas palpiter le cœur de l'homme. Ils ont combattu pour la religion, c'est- à -dire pour le sentiment le plus désintéressé, le plus éloi- gné des odieuses spéculations de l'ambition et des vulgaires contentements de la vanilé. Ils ont combattu pour la religion, c'est-à -dire pour le bien qui tient de plus près à l'homme, dont celui-ci est le plus fier, auquel il sacrifie la patrie, la liberté, jusqu'à la vie, le bien qui vaut tous les autres, parce qu'il porte avec lui la félicité du présent et les espé- rances de l'avenir. Mais se peut-il imaginer un but plus sublime, plus saint, plus digne d'enflammer les âmes géné- reuses? Ce qui éteint surtout, chez M. Viennet, l'enthousiasme pour les Croisades, c'est l'insuccès de ces expéditions. Mais il y a peu de philosophie à juger une entreprise sur la réus- site, qui dépend souvent de ce qu'on appelle bonheur, \6r- tune, et trahit quelquefois la prudenceetle génie. Si Alexandre- le-Grand eût succombé sur les bords du Granique, personne