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                             LES CROrSADES.                  147

 qu'ils avaient vu, ce qu'ils avaient souffert eux-mêmes.
    On se figure aisément l'indignation et la colère qui écla-
 taient dans l'âme et sur le visage de nos preux, lorsque
 rangés en groupe autour d'un de ces pieux voyageurs qui
 avait échappé au sabre musulman, ils lui entendaient
 dire que rien n'était sacré pour les infidèles, qu'ils s'empa-
 raient sous le moindre prétexte des biens des chrétiens,
 déshonoraient leurs femmes, mettaient a mort les pèlerins,
profanaient les églises, montaient sur les autels pendant le
saint sacrifice, renversaient les vases sacrés, les foulaient
aux pieds, insultaient et battaient les prêtres de verges (1).
    Il y a quatre ans, lorsque les musulmans égorgeaient
10,000 chrétiens en Syrie, un mois suffit pour porter aux
extrémités de l'Europe la nouvelle d'un tel désastre. Au
moyen âge, dans l'état d'isolement où les peuples se trou-
vaient vis à vis les uns des autres, avec l'absence des moyens
de communication qui abondent aujourd'hui, il fallait cin-
quante ans et dix fois plus de victimes qu'en 1860 pour
apprendre à nos contrées que les populations chrétiennes
de, l'Orient subissaient une affreuse tyrannie. L'opinion ne
s'éclairait que de proche en proche, avec une extrême len-
teur. Elle s'éclairait pourtant, et il arriva un moment où
l'attention des esprits fut tout entière tournée du côté des
Lieux-Saints. En 1074, vingt ans avant le célèbre concile de
Clermont, Grégoire VII écrivait au roi de France Henri Ier :
que les chrétiens d'Orient jetaient des cris de détresse et
étaient venus lui apprendre que, si les guerriers de l'Occident
n'accouraient a leur secours , le Christianisme allait périr.
Il ajoutait qu'il s'était déjà assuré de 50,000 hommes, a la
tête desquels il Voulait marcher lui-même (2). Le pontife ne


  (1) Willem. Tyrcnsis, lib. I, n, V et X.
  (2) Gregorii epist. lib. II, ep, 3 1 , apud Labbe, t. X.