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138                     LES CROISADES.

époque n'avaient été jusqu'ici ni saisis dans leur caractère
propre, ni éclairés de leur véritable jour.
   J'aurais une tâche beaucoup trop longue a remplir, si je
voulais relever tout ce qu'il y a de vulnérable dans les divers
jugements émis par M. Viennet. Je me bornerai simplement
à discuter la plus considérable de ses opinions, celle qu'il a
exprimée sur les Croisades.
   M. Viennet reconnaît, il est vrai, le grandiose du spectacle
que présente ce soulèvement de tant de populations à la voix
d'un apôtre. Mais là se borne son admiration. Il déplore aus-
sitôt les calamités qui ont été, dit-il, la suite de cet ébranle-
ment guerrier; les royaumes abandonnés par leurs souve-
rains ; la disette, la guerre et l'anarchie ajoutant presque
toujours des horreurs nouvelles à celles qu\on va chercher
au-delà des mers ; les peuples mal armés courant à leur but
lointain, sans ordre, sans discipline et sans prévoyance; la
famine dévorant les armées; des batailles où s'abîmaient des
nations; 100,000 hommes détruits dans une campagne; deux
siècles de folies, où le plus pur sang de la France s'en allait
couler sur des plages étrangères ; saint Louis enfin épuisant
sans succès ses trésors et le sang de ses peuples, laissant au
loin ses flottes et ses armées, et revenant presque seul dans
sa capitale désolée. Puis il conclut que les Croisades ne mé-
ritent aucun enthousiasme, et qu'en réglant les comptes de
ces pieuses folies, on n'y trouve net pour bénéfice que la
Jérusalem délivrée.
   Ce tableau est loin d'être flatteur pour nos expéditions
saintes: examinons s'il est bien vrai. D'abord, il n'est pas une
grande guerre qui ne sôit accompagnée de plusieurs des cir-
constances signalées dans cette nomenclature de calamités;
pourquoi M. Viennet les ferait-il entrer dans le compte spécial
des croisades ? On ne saurait mettre en mouvement de nom-
breuses armées, sans donner lieu à maintes misères locales.