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                 POÉSIE SATIRIQUE DU X.VIe SIÈCLE.          89
              Besoin sera se on l'endure endurer :
              A vous n'est pas telle cure curer ;
              Car bien avez vostre adresse dressée,
              Pourquoy vous a gentillesse laissée.
              Soleil ne luyt en l'ombre ne pas nuyt :
              Trop grater cuyt, aussi trop parler nuyt.
              Assez savons que toutes nous mourrons,
              C'est la reiglc dont nesune (1) s'exempte.
              Quant la cloche ou la trompette (2) orrons,
              Pas plus que vous derrière demourrons.
              A telle heure fauldra qu'on se présente,
              Plus n'en aurez pour cette heure présente :
              Mais si de nous parlez ou blasonnez,
              Parisiennes, prenez-vous par le nez.

                             Cy finist la dicte responce.

   Pour saisir le sens du dernier vers, il faut se reporter à
une ancienne coutume de Normandie, d'après laquelle un
homme convaincu d'avoir nui à la réputation de son prochain
par des propos diffamatoires était tenu de lui faire amende
honorable dans une église et de se déclarer publiquement
calomniateur en se prenant par le nez : c'est ce qui s'appe-
lait payer le laid d'ici. Delà une locution proverbiale usitée
pour répondre à quelqu'un qui veut mettre sur le compte des
autres les fautes dont il s'est rendu lui-môme coupable.

   Ces originales productions ne caractérisent-elles pas bien
l'esprit de rivalité qui devait exister entre Paris, momenta-
nément délaissé, et Lyon, opulent et poétique séjour où se
plaisait la cour do France? Nous y rencontrons ça et là
quelques crudités d'expression, mais il faut reconnaître qu'il
règne sous ce rapport une demi-bienséance, le sujet prêtant


  (1) Nesune, personne, de l'italien nesuno.
  (2) Orrons, futur du verbe ouïr.