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484 DE L'ENSEIGNEMENT flage qu'on nous enseigne partout dans notre initiation à la littérature nationale. Il semble que le développement du goût ne se puisse obtenir que par la compression de l'enthousiasme. Satisfaits de nous transmettre quelques hannales admirations, nos maîtres d'humanités paraissent craindre de réveiller en nous le vrai sentiment du beau et l'amour passionné des grandes choses. Nous mettre en défiance contre tout ce qui porte le sceau d'une imagination hardie, d'une inspiration profonde, contre tout ce qui est franc, naturel, primesautier; remplacer en nous les vraies jouissances littéraires par la satisfaction mes- quine et pédantesque de découvrir des taches dans la perfection même ; nous initier d'avance à l'art suprême d'étouffer la pensée d'une œuvre en faisant ressortir un mot mal sonnant, tel est le résultat de l'enseignement des lettres, comme il est pratiqué chez nous, quelle que soit sa bannière, philosophique ou reli- gieuse. Sans oublier que le bon sens et la liberté du jugement sont les qualités les plus essentielles à cultiver dans l'intelligence du jeune homme ; peut-être, est-ce le plus grand devoir du maître de combattre avant tout la tendance trop naturelle de l'esprit français à la légèreté et à l'ironie, d'écarter pour cela du disciple les modèles trop fréquents du persiflage et de la satire, les maximes de l'égoïsme transformé en sagesse, pour nourrir le jeune homme de la substance plus généreuse que recèle la vraie poésie. Aux dépositaires de la tradition religieuse, aux gardiens de ce haut spiritualisme, source vive de tous les arts, il eût appartenu de prendre l'initiative de quelques réformes, d'indiquer quelques voies nouvelles dans l'éducation esthétique de la jeunesse. Fla- gellé depuis si longtemps par l'ironie, au détriment des saintes vérités qu'il conserve sur la terre, ce corps auguste aurait pu peut-être , dans la lutte où il s'engageait, mieux comprendre que l'éducation actuelle dresse les âmes à l'ironie, et, le pre- mier , remplacer dans ses écoles, une rhétorique surannée, par un enseignement littéraire plus vivifiant pour l'imagination et pour le cœur. Si la voie nouvelle est difficile à tracer, fallait-il voir du moins que, malgré le soin donné à l'instruction reli-