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BÉRANGER ET PIERRE DUPONT. 63 contemplant de loin nos temps actuels, devenus de l'histoire, ne vous êtes-vous pas représenté nos grandes guerres de la Répu- blique et de l'Empire comme l'âge héroïque de cette civilisation, et Béranger, comme son premier trouvère ? Béranger n'est, en effet, que cela ; essayons donc de l'apprécier en toute liberté d'esprit, il nous sera ensuite plus facile d'étudier M. Dupont. Les premières chansons de Béranger portent la date de 1813 ; il a vu les merveilles guerrières de l'époque impériale, il en a été frappé; cependant ses premières chansons n'en gardent aucun reflet ; il semble, jusqu'à la fin de 1815, être sous l'empire exclusif du Caveau ; même en 1814, au moment où nos frontières sont forcées, à cette heure lamentable où nous recevons ce su- prême affront dont nous ne nous sommes pas encore relevés, Bé- ranger en est encore à invoquer Bacchus et Cornus. Napoléon se débat, comme un lion, dans les plaines de la Champagne, Béran- ger fredonne la philosophie de Roger Bontemps : Posséder dans sa hutte Une table, un vieux lit, Des cartes, une flûte, Un broc que Dieu remplit, Un portrait de maîtresse, Un coffre, et rien dedans. Eh ! gai ! c'est la richesse Du gros Roger Bontemps. On souhaiterait entendre un chant de l'épée, une imprécation foudroyante, un appel aux armes, comme Théodore Werner en sut trouver pour l'Allemagne de 1813. Au lieu de cela, ce ne sont que refrains bachiques, invitations à trinquer et à aimer. 0 Roger Bontemps ! que vous nous plairiez mieux si, le sac au dos, la giberne aux reins, vous faisiez de la poésie, comme il faut en faire, en face de l'étranger, un fusil à la main. Si -plaisantes qu'elles soient, d'innocentes epigrammes sont insuffisantes à venger la honte d'un grand peuple. Au convoi de la France, il fallait d'autres couplets que celui-ci (fin janvier 1814) : Quand plus d'un brave aujourd'hui tremble, Moi, poltron, je ne tremble pas.