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248                      AUTOBIOGRAPHIE
    Ayant fait moi-même cette réflexion, et cherchant à n'imiter
personne dans le genre que je voulais suivre, si mon imagina-
tion s'était fourvoyée en s'arrêtant à la décadence des Romains,
elle n'avait qu'un pas à faire du Bas-Empire au siècle de la che-
valerie , époque fertile en événements, que les peintres avaient
jusqu'alors dédaignée. Cette résolution dissipa mes incertitudes
 et fixa toutes mes idées. Je cherchai alors à m'occuper exclusive-
ment des études nécessaires à la carrière nouvelle qui s'ouvrait
devant moi : les manuscrits et les chroniques des vieux temps
 devinrent aussitôt mes lectures favorites .;• les châteaux, les mo-
 numents et les meubles gothiques furent les nouveaux objets de
 mes investigations. Dans mes rêveries solitaires, parcourant un
jour les monuments de Saint-Denis, réunis alors au Musée des
 Petits-Augustins, et cherchant à expliquer les devises gothiques
 de ces illustres tombeaux, je fus frappé du sentiment profond
 renfermé dans ce peu de mots gravés sur la tombe de Valentine
 de Milan : Rien ne m'est plus, plus ne m'est rien !... J'y trouvai
 spontanément le motif d'un tableau, et je me mis à en étudier
la composition et l'exécution avec le plus grand soin. Je passai
 une partie de l'hiver à cet ouvrage et à un autre plus grand,
dans lequel mes amis Revoit et Gay m'avaient engagé à peindre
l'ouverture des églises rendues au culte par le Concordat. Je
peignis donc sur une assez grande toile : Bonaparte, premier
consul, et le cardinal Caprara, légal du pape, ouvrant la porte
d'un tabernacle dans lequel on voyait le saint calice surmonté
de la sainte hostie, symbole de notre religion. Autour de l'autel
étaient groupés les deux autres consuls et quelques personna-
ges accessoires. Cette composition parut plaire à mes amis, mais
je n'en étais pas satisfait. Ce sujet n'était pas en rapport avec
mes dispositions pittoresques. Aussi j'y travaillais avec noncha-
lance, et je priai M. David de vouloir bien m'honorer de ses
conseils. Il eut la complaisance de venir à mon atelier, et au
premier coup-d'œil qu'il jeta sur mon chevalet, où se trouvait le
tableau du Concordat, il me dit: « Voilà qui n'est pas mal. » Je
ne me contente pas de : pas mal, lui répondis-je, car cela veut
presque dire que c'est mauvais ; et aussitôt je donnai un grandi