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246 AUTOBIOGRAPHIE pas empêché d'acquérir une grande réputation : je ne suis pas bossu, disais-je, mais puisqu'on dit que je suis très-laid, je fe- rai tant d'effort pour acquérir quelque talent, que peut-être cela pourra faire oublier ma laideur. Je puis dire que cette pensée m'a quelquefois stimulé dans mes études. Je passai plusieurs an- nées sous la direction de M. Grognard, à qui je dois un juste tri- but de reconnaissance, car il m'enseigna non-seulement les principes du dessin, mais il me donna les premières notions de la couleur, et surtout de la perspective linéaire, science dont j'appréciai plus tard toute l'utilité. Je restai donc auprès de cet excellent maître, jusqu'à ce que je fusse en état de passer à la classe des fleurs , car mon éducation pittoresque, comme celle de tous les jeunes gens , qui suivaient, à Lyon, cette carrière, avait pour but, d'être dessinateurs dans quelque fabrique d'é- toffe. Je passai enfin à cette classe de fleurs en même temps que Revoil, avec qui je me liai alors intimement. Ce fut à peu de temps de là qu'arriva la fatale catastrophe du 29 mai 1793. Mais laissons cette trop funeste époque, et passons à de meil- leurs jours. Au printemps de l'année suivante, mon père, dont les biens étaient séquestrés, ne sachant que faire de moi, m'en- voya à Paris auprès de mon frère aîné, qui, par la protection de quelques amis, m'obtint un emploi dans l'administration des secours publics, dont le traitement suffisait à mes besoins. Ce travail de bureau me laissait assez de loisir pour visiter les musées et pour dessiner quelques paysages. Je reçus pendant une année les conseils de Dunouy, le paysagiste, que j'avais connu à Lyon, et auprès de qui je me trouvai logé. Lorsque je revins à Lyon, en 1795, un de mes parents me présenta à M. Dechazelle. Je lui montrai quelques croquis que j'avais faits à Paris, d'après lesquels il augura si bien de mes dispositions, qu'il vint lui-même auprès de mon père, afin de le déterminer à m'envoyer à Paris, s'offrant de me faire admettre à l'École de David. Je partis en effet, mais ce ne fut qu'à la fin de l'année suivante que j'entrai dans cette école, le 28 septembre 1796. Revoil y était depuis quelque temps. M. David sembla vouloir stimuler mutuellement notre émulation ; et, s'apercevant que je