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LA COUSINE BRIDGET. 179 avec lui. Il avait laissé beaucoup de dettes et l'enfant dut natu- rellement être pour moi une grande charge. « Elle parvint à l'âge de seize ans et un jour une lettre d'un homme de loi annonça qu'elle était l'héritière d*une belle for- tune. Le cri de la conscience avait poursuivi son père sur son lit de mort. Depuis lontemps, il n'ignorait pas qui était le seul soutien de sa fille ; mais il avait des sentiments trop bas pour me faire parvenir la moindre somme à son adresse. Malgré le soin qu'il avait mis à se cacher, il n'avait donc jamais perdu de vue l'enfant et sa pauvre mère, et, durant sa dernière maladie, sa tendresse se réveillant, il fit son testament en faveur de sa fille. Malgré tout ce que j'avais fait pour celle-ci, je ne crois pas en avoir jamais été aimée. Elle me quitta pour aller prendre posses- sion de son héritage, m'offrant un anneau — en témoignage de sa gratitude ! «' Je ne la revis plus. Je vendis la vaste et vieille maison où j'étais née, et, avec elle, une grande partie de l'argenterie et de l'ameublement, et je 'vins finir ici mes jours dans les sentiments les plus amers et les plus remplis de méfiance pour tout être humain. — Cela, peut-être, ne vous étonne pas maintenant. « La domestique qui passa tant d'années avec vous savait que votre pauvre mère avait une cousine dans les environs et parvint à me trouver. — Cette action me fit penser, pour la première fois, que quelque chose de semblable à la gratitude pouvait exister dans le monde. — Je me déterminai à vous écrire. — Et vous n'avez pas été désappointée, cousine Bridget, n'est-ce pas ? dit Minna, levant les yeux avec douceur sur la vieille dame. — Pas encore, du moins, Minna, pas encore, — et qui plus est, vous m'avez rendue bonne. Je suis bien différente de ce que j'étais. — Mais vous étonnez-vous maintenant de l'amertume d'un cœur aussi froissé, aussi ulcéré que le mien ? — Non, — dans vos dispositions, ma chère cousine, je ne m'en étonne pas. Mais il me semble qu'à votre place, j'eusse agi différemment. Je n'aurais pas eu de repos, que quelqu'un ne m'eût aimée, — n'eût éprouvé de la reconnaissance pour moi,