Revue du Lyonnais » série 2 - n°3 ( 1851 ) » pp.176

176                   LA COUSINE BRIDGET.
yeux de ma sœur se tourner sur lui avec joie et amour à son
approche. Son attention pour moi avait été de la compassion*.
oh! comme mon cœur orgueilleux s'endurcissait sous cette
pensée ! Jamais Agatha ne sut que je l'aimais. Je m'étudiais
à conserver avec lui les manières que j'avais toujours eues jus-
qu'alors et je crois qu'il ne découvrit jamais mon secret.
    « Un soir d'été que j'étais assise sur la pelouse, ils vinrent à
moi, se tenant sous le bras. Désireux de s'ouvrir à mon père
sur l'amour qu'il portait à sa fille et connaissant sa sévérité, il
me pria de me charger de cette mission. J'acceptai, et je remplis
sa demande, le cœur gonflé, comme vous pouvez le penser.
    « Mon père écouta, avec safroideur accoutumée, et me renvoya,
disant qu'il leur parlerait lui-même.
    « J'allai à la fenêtre ouvrant sur la pelouse et je vis mon père
prendre Agatha dans ses bras et serrer chaudement la main
d'Arthur.
    « Je me retournai et me retirai dans ma chambre que je ne
quittai pas de. bien des jours, n'en permettant l'entrée qu'au
domestique qui m'apportait mes repas. Je l'interdis même à
Agatha que cette défense surprit beaucoup:
    « Comme j'étais étendue sur mon lit, les tempes en feu et
me tournant sans cesse d'un côté et de l'autre, j'entendis, dans le
jardin, les accents éclatants et passionnés d'Arthur se joindre à la
voix brillante d'Agatha. Les modulations légères et rieuses de
celles-ci parvenaient jusqu'à moi. De temps en temps elle chan-
tait une des jolies ballades qu'elle savait exprimer avec un goût
exquis et je distinguais les remerciements et les louanges que
son amant, plongé dans l'adoration, lui adressait en termes
brûlants.
    « Le dernier jour de ma retraite dans ma chambre, lorsque je
m'étais enfin déterminée à prendre sur moi de descendre,
 Agatha frappa à ma porte et, d'une voix agitée, demanda à me
parler.
    « Je lui permis d'entrer et, aussitôt, se précipitant vers moi,
 elle éclata en sanglots et versa un torrent de larmes.
     « La cause en fut bientôt révélée. Mon père, ayant découvert