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BÉRANGER ET PIERRE DUPONT. 81 mouvement n'est pas assez .soutenu ; et je m'explique d'autant moins cette marche languissante et inégale, que M. Dupont est tout à la fois poète et musicien ; il est probable que, dans le phénomène psychologique qui s'opère en lui, au moment de l'inspiration, la poésie et la musique se confondent ; comment se rendre compte alors de ce qu'il y a de court et d'essouflé dans sa manière de phraser. L'haleine fait défaut ; fréquemment le chant détonne et se brise ; la pensée retombe quand elle devrait monter, comme si le jet manquait de vigueur. Toute cette poésie, en un mot n'est pas assez pleine, et la sobriété nerveuse que M. Dupont recherche tourne trop aisément à la sécheresse. Le style est la partie la plus faible de son œuvre. Or, M. Dupont le sait comme nous, les œuvres protégées par le style comme par des aromates, sont les seules qui résistent à la dissolution. Quand la postérité passe en revue les caveaux du passé, sonde les sépulcres, elle n'y trouve que celles-là : les autres sont en poussière. Ml Dupont est-il maître absolu de sa forme? manie-t-il la langue du vers à son gré ? a-t-il trouvé une manière qui lui appartienne? On peut en douter; mais une chose doit rassurer tous ceux qui espèrent beaucoup de lui : c'est que l'auteur des Deux Anges a constamment progressé. Telles inexpériences valent mieux que telle perfection précoce. Nous avons vu de jeunes poètes atteindre tout de suite à une rare habileté de facture, s'approprier les secrets techniques, comme de vieux maîtres, et en rester là . Ils étaient jeunes et vieux tout à la fois. M. Dupont n'a pas encore donné complè- tement la mesure de ce qu'il peut. Nous l'ajournons à son prochain volume ; en attendant, celui-là n'est dépourvu ni d'originalité, ni de force, ni d'habileté, qui a pu forer les couches sociales jusqu'au plus profond du tuff populaire, pour y faire entrer sa poésie. La chanson de Béranger peut être chantée par une seule personne ; elle a un caractère individuel ; celle de Pierre Dupont ressemble aisément à un chœur, elle porte l'empreinte collec- tive ; de là , chez Béranger un refrain très court, composé d'un 6