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LA COMPLAINTE Grand Dieu, tu t'es trompéquand ton affreux tonnerre Jusqu'en ses fondements a fait trembler la terre Que n'as-tu foudroyé ces lieux ? Que n'as-tu renversé cette ville maudite Autrefois si chère à mes yeux : Arras subsiste encor et Lisbonne est détruite ! Malheureux citoyens, où fuir, où nous cacher ? A cette horreur qui de nous peut survivre ? Un opprobre éternel sur nous va s'attacher ; Le nom d'un scélérat va partout nous poursuivre. Ah ! que penseront nos aïeux ! Nos cris percent déjà leur demeure éternelle ; Quel déluge de pleurs va couler de leurs yeux ! Quels sanglots leur arrache une main criminelle ! A travers la nuit du tombeau, Ils vont voir leur patrie, à ses rois si ridelle, Du meurtrier d'un roi devenir le berceau. Que dira le Français quand il verra qu'un traître Fût nourri parmi nous pour massacrer son maître Pour lui ravir son père... ô comble de fureur ! Monstre né de l'enfer, qui t'a servi de guide. Le fer n'est point tombé de ta main parricide ! Tu n'as pas reculé de respect et d'horreur ! Tu n'as pas redouté la Majesté divine Dont son front est environné ! Le ciel à les fureurs l'a-t-il abandonné ? Est-ce donc là le sort qu'aux vertus il destine ? Le nom qu'il s'est acquis ne t'as pas étonné I Le monde entier l'honore, et ton bras l'assassine ! Pourquoi le ciel a-t-il respecté notre sort ! Sur les rives du Tage il a semé la mort ; Pourquoi choisir d'autres victimes ? Pourquoi son terrible courroux N'a-t-il pas éclaté sur nous Avant de nous couvrir du plus affreux des crimes ; Nous serions morts chéris, innocents, regrettés, Et nous vivons pour être détestés.