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I98                    LA COMPLAINTE

   La victime de ce guet-apens est portée dans une barque
amarrée au quai Bon-Rencontre qui, —en cette occasion, —
justifiait assez peu son nom; le bateau descend le Rhône
et s'arrête à Ternay, près de Givors. Million est transporté
dans la cave d'une auberge, attaché à un poteau, et sommé,
par ses trois ravisseurs, d'avoir à signer une traite de
 10.000 francs sur sa maison : sa liberté est à ce prix.
   L'aubergiste — d'abord terrifié par l'attitude menaçante
des assassins — recouvre enfin son sang-froid :

               Le courageux aubergiste
               S'en va chercher sans remords
               Le gendarme de Givors
               Tranquille comme Baptiste,
               Qui ne pensait pas du tout
               Qu'on fit un si mauvais coup.

               Tout aussitôt on délivre
               Le malheureux enchaîné ;
               Et près de ses nouveaux-nés
               Et près de son épouse ivre
               De gaieté et de bonheur,
               Il revient de bien bonne heure.


  Dans les campagnes du Lyonnais, j'ai rencontré des
paysans qui chantaient encore la Complainte de Jacques
Besson :
               Jacques Besson est un drôle
               D'assez basse extraction,
               Tout rongé d'ambition
               Et de petite vérole,
               Ce qui l'arrange assez mal
               Au physique comme au moral !