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LETTRE INÉDITE DE P I E R R E             P E R L E T , peintre lyonnais,
      à M. CHATELAIN, sur différentes questions d'art (1).




                                             Paris, 9 juillet, 1843.
          Mon cher Châtelain,
   Ça été pour moi une bien grande surprise et une bien grande joie
de recevoir de vos nouvelles, et je ne sais vraiment pas pourquoi
nous sommes l'un et l'autre si avares de notre écriture, puisqu'il est
convenu que nous nous convenons si bien; mais la vie est ainsi faite
que l'on fait rarement ce qui fait plaisir, et que les projets du matin
ne reçoivent guère leur exécution le scir. Ainsi, depuis que j'ai votre
bonne lettre je dois chaque soir y répondre, et puis c'est une chose,
c'est une autre qui vient me détourner; enfin vous savez bien com-
ment tout ça se passe, contre notre volonté, cotre désir et sans que
le cœur soit ni oublieux ni indifférent. Mais venons au fait : Vous
m'avez adressé un charmant garçon, votre élève ; mais c'est à ce qu'il
paraît aux sollicitations de Aime Châtelain que vous avez cédé, et
pourquoi donc ! Quel crime a donc commis ce pauvre jeune homme,
que vous lui en vouliez? Est-ce parce qu'il, veut voir Paris et
qu'il croit y trouver le Paradis des artistes ; la terre promise de
ses rêves ; hélas ! laissez faire, il ne tardera pas à se désabuser,
s'il ne l'est déjà ; et n'avons-nous pas tous été comme lui, si ce
n'est vous qui êtes un sage, car plus je vais et plus je crois qu'il
est sage de rester où l'on est né , au milieu de ses pareils et de
ses amis ; pour moi tous les jours je les regrette, mais il est trop tard,
et il y a quinze ans que je n'aurais guère écouté quiconque m'eût dit
ce que je ressens à présent ; mais il faut avoir passé par là et votre
élève, comme je vous le dis, s'en apercevra bientôt. Je ne lui ai pas
caché combien les voies étaient encombrées, combien on se coudoyait,
et combien peu atteignaient le but proposé. Il veut gagner de l'ar-
gent en descendant de diligence ? Mais combien sont débarqués depuis
plusieurs années et sont encore à ne savoir de quel bois faire flèche.
Il croyait pouvoir placer quelques-unes de ses copies à la plume qui
sont vraiment surprenantes; mais à qui s'adresser? aux marchands?


   (1) Pierre Perlet, né îi Lyon le 18 juin 1801, mort à Paris le 3 novembre 1843, à
l'âge de 39 aus. Voir le Courrier de Lyon du 4 novembre 1813.