Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                UNE ARRESTATION EN DAUPHINÉ.               459

    —Mais en vérité, c'est trop violent aussi ! dit-il en s'ar-
 rêtant devant un portrait de Mazarin. C'était peu de faire
 arrêter comme un va-nu-pieds M. le duc de Gaétan, un gou-
verneur, un grand d'Espagne de première classe et hérédi-
 taire ; c'était moins que rien de le faire embastiller sans
raison- comme simple larron que l'on pend sans procès
parce qu'il sent la hart de deux lieues à la ronde ? Il faut
 encore, pour vous plaire, que je lui arrache sa correspon-
 dance la plus intime ; vous voulez, Monseigneur, que le
président de Saint-André aille en personne le dépouiller
 de la tête aux pieds, comme le vil huissier déshabille le
 banqueroutier dont on lui a livré la défroque..? Après cet
 acte héroïque, moi, le chef de cette noblesse de Dauphiné,
célèbre par cette galanterie et cette urbanité qui la fit sur-
nommer l'écarlate de la noblesse française, j'irai trouver
la jeune duchesse ?—Madame, devrai-je lui dire... Oh non !
mille fois non, Monsieur le cardinal ; mieux vaut aban-
donner une place dont je n'étais peut-être pas indigne ;
mieux vaut aller végéter dans sa terre, privé d'honneurs
bien mérités par toute une vie d'études et de services !
exécute qui voudra un ordre qui, en déshonorant d'inno-
centes victimes, outrage toutes les convenances. Le mar-
quis de Saint-André peut se passer de commmander aux
gentilshommes de sa province, mais il ne saurait se pas-
ser de leur estime.—En disant ces paroles, de grosses lar-
mes s'échappaient des paupières ridées du président, car
je l'ai dit au commencement de cet article, cette époque
n'était point la nôtre ; dans un temps si arriéré, c'était une
bien grosse affaire pour un des grands seigneurs de
France qu'une toute petite arrestation, qui ne serait qu'une
plaisanterie pour un de nos sous-préfets, que dis-je, pour
un commissaire de police, voire même un simple garde-
champêtre.
  Le bon président en était donc à gémir sur la cruelle né-
cessité que lui imposaient ses fonctions administratives,
lorsque laporte de son appartement s'ouvrit tout doucement,