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LETTRE INÉDITE. 331 peinture sur lave et vous croyez peut-être, que tout naturellement, on m'aura choisi pour un travail de ce genre, pas du tout, c'est un autre qui est chargé de ça et l'on me donne à moi de la peinture à la cire (nouvel apprentissage). J'ai six grands médaillons à faire, avec figures d'évêques et deux petits avec des anges. Au milieu de tout ça je fais aussi des dessins sur bois, je donne quelques leçons, enfin je me démène comme je peux. L'année dernière j'ai fait un voyage dans le Midi, avec un architecte, chargé d'une mission pour les monuments historiques, et je me suis arrêté à Alby pour y faire une collection de dessins d'après des fresques fort remarquables peintes à la fin du xve siècle et au commencement du xvi» par des peintres italiens. J'ai rapporté une vingtaine d'aquarelles, qui vont, je pense, être pu- bliées par le ministère de l'instruction publique. Ainsi vous voyez que je m'attaque à tout ; ce n'est pas que ce soit mon goût, c'est que dans ce temps-ci il faut être bon à tout, et vous savez qu'étant bon à tout on n'est bon à rien. C'est malheureusement vrai. Eh ! bien, en se livrant à toutes ces industries, e'est tout au plus si on vit honora- blement. Heureux Chavanne, lui qui vit tranquille, et qui ne se tour- mente de rien ! Il ne serait pas impossible que j'eusse à faire quelque chose au Palais-de-Justice de Lyon, au moins le Préfet est très-bien intentionné à mon égard. Si j'étais pour un peu de. temps dans cette ville je ne résisterais pas au plaisir de vous aller voir dans votre retraite. J'ai rencontré il y a quelques jours M. Aimé Martin à qui j'ai fait part de mon projet de vous écrire ; il m'a dit de vous dire qu'il était scandalisé de votre conduite à son égard, oui scandalisé ! Cependant, a-t-il ajouté, dites-lui que je l'aime toujours et que je lui offre, comme par le passé, une chambre et un lit, s'il veut venir nous voir à Paris. Vous déciderez-vous une fois dans votre vie, mon cher ami. ou atten- dez-vous que Paris soit fini? en ce cas je dois vous dire qu'on y tra- vaille encore ; de tout côté on bâtit des maisons d'un luxe effrayant ; dans mon quartier on va élever une grande fontaine et construire une halle, ainsi il y en a encore pour longtemps ; prenez donc votre courage et venez nous voir avant que tout soit fini, car lorsqu'une chose est achevée, vite on en recommence une autre. Vous nous feriez bien plaisir à tous, mais vous y mettez de la coquetterie. Après ça je sais bien qu'on est ici exposé à de terribles tentations ; figurez-vous qu'hier je vois en montre une eau-forte de Claude Lorrain : Un ber- ger et une bergère sur le premier plan et un magnifique paysage dans le fond, savez-vous ce qu'on en demande ? 360 fr. Je cours encore.