page suivante »
142 FRANÇOIS LEPAGE. nouvelle cour, mais l'Europe entière, qui se guidait sur Paris, l'obligation où étaient nos fabricants de répondre aux exigences les plus difficiles, maintenaient notre indus- trie dans des conditions extraordinaires d'élégance, de distinction et de grâce. On voulait du beau à tout prix ; l'ignoble, le vulgaire, le commun étaient méprisés. Pour suivre la mode ou la créer, le négociant demandait au dessinateur une richesse d'imagination, une pureté de dessin qui obligeaient celui-ci à un travail sérieux. L'ar- tiste, d'autre part, était récompensé soit par un appointe- ront considérable, soit par une part dans les bénéfices, soit, souvent, par une association qui le mettait de pair avec les princes de la finance. Lepage voyait là une car- rière, un avenir ; encouragé par ses parents, il s'adonna spécialement à l'étude de l'ornement et de la fleur ; son ardeur au travail, sa facilité, son goût pur, sa modestie et sa douceur le firent remarquer des élèves et des profes- seurs ; Revoil surtout fixa ses yeux sur lui, le prit en amitié et lui prédit une fortune facile et brillante ; mais Je jeune homme, ainsi poussé, sentit bientôt l'ambition le inordre au cœur, et un but plus élevé, plus séduisant que l'or attira toutes ses pensées. Tout en restant prudemment dessinateur, il se prépara, par un redoublement de travail et d'efforts, à s'élever jusqu'aux plus hautes régions de l'art. Il ne voulait rien livrer au hasard, mais il voulait être prêt à tout événement. A cette époque, plusieurs de ses camarades, de ses amis, stimulés, comme lui, par des professeurs habiles et aimés, ne se contentèrent plus de l'avenir que la fabrique leur offrait, de la riche position que les négociants fai- saient miroiter à leurs yeux, et, poursuivant plus loin leurs travaux préparatoires, aspirèrent avec enthousiasme à la grande peinture. Lepag'e sentit comme eux le feu