Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
()'<-                      APPROCHE, SI TU ES HARDI !

pour mieux voir, pour être plus vite et alerte, s'agenouilla
tout près du tronc du poirier, et si doux était le vent qu'il
agitait les fleurs blanches et les faisait neiger ; au pied de
l'arbre uae lueur de phosphore brillait, et la lune tamisait
sa lumière entremis les rameaux.
    Cependant le gars sentait son cœur battre bien fort et
retenait son haleine, laissant la gourde pendre à son côté;
il s'efforçait de ne pas cligner l'œil, il épiait le coulis de
l'eau dans le ruis, à travers l'herbe longue, il avisait l'arbre
creux. Ni lapin, ni belette, ni l'insecte rampant dans les
feuilles ne détournaient ses regards, lorsqu'il lui sembla
entendre du côté du grand roc et de la Pire-Longe chan-
tonner à demi-voix, et le rossignol répondit à plein gosier.
    En même temps l'arbre craqua comme un corset de
novïe (1), il plut des fleurs, un souffle frôla les ramilles
et une blanche, petite, preste et leste figure, sur la pointe
du pied, pirouetta tout à coup. Favier s'élance, bondit et
roule, les bras en avant, sur la pente du pré.
    — Approche, si tu es hardi ! lui dit la fée.
    Elle disparaît en éclatant de rire !
    Le gars se relève de courte honte, la tête lui virant et les
jambes chancelantes. L'audacieux, il en fut quitte pour
mouiller ses habits du dimanche.
    Il était habitué à ces bains, le pauvre petit montagnard.
Né à Saint-Clément de la Besbre, élevé de misère par sa
mère grand, (car sa propre mère étant devenue veuve
presque tout de suite après sa naissance, avait été obligée
d'aller dans les pays d'en bas se louer en condition). La
bonne vieille ne pouvait surveiller à la fois son troupeau
de chèvres et de brebis et son petit-fils. Un jour qu'elle
 s'en fut à la foire à la Prugne, l'enfant mena les chèvres
 au bois Bizin, qui est un endroit bien marécageux, rempli
de fondrières, de trous et de vieilles souches d'arbres. Il
se perdit, le troupeau rentra seul le soir. Alors la mère

    (t) Nouvelle mariée,