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60 APPROCHE, SI TU ES HARDI ! — Merci de la leçon, vous autres petits valets, je vais laisser commander au bon Dieu, sans demander pourquoi l'herbe pousse, la vigne fleurit et le gore (1) est si dur à piquer? — Tu feras bien de ne pas t'occuper des racontages et des étrangetés par ici, car il t'arriverait comme au pauvre homme dont tu vois la maisonnette isolée là -haut sur le chemin des Murcins. C'était un bichonnier qui vivait tout seul sans bonne renommée, le bruit courait qu'il avait af- faire aux esprits. Un matin on le trouva mort dans son lit sans crucifix sur le corps, et les chats avaient entamé sa tête et commençaient à manger sa cervelle. Quant à son âme elle avait été emportée, à ce que dit le père Débenoît, tailleur de pierres, par les fées ou fayolles qui demeuraient dans le trou du grand roc. — Les fayolles! les fayolles, s'écria joyeusement Favier. Mais j'y suis monté cent fois dans leur trou, ce n'est pas aisé, on peut se casser le cou et quoiqu'il y ait des rebou- teurs au Figollet, je ne tiens pas à leurs manœuvres ; mais je n'ai vu là dedans qu'une trace de fumée à la voûte de rocher. — C'est qu'autrefois la maison des fées était plus grande ; devant la caverne quatre piliers de pierre supportaient une table de granit qui pesait bien deux cents quintaux. Le ro- cher appartenait à une vieille dame bien dévote ; suivant elle, les fayolles étaient de damnées païennes qui faisaient grêler ou geler la vigne ; des bonnes à rien, quoi, qui ro- daient les nuits en chemises, blanches comme des fantômes, et légères comme les longs fils qu'emporte l'air au dernier jour d'automne. Les carriers y firent jouer la mine en commençant par un grand signe de croix, les fées sortirent toutes ou plutôt une volée de guêpes taones, et il y eut dans l'année un aguado (2) et une grêle à la côte, sans compter grande (1) Tnf, rocher de granit décomposé. (2) Aygade, inondation à la suite d'un grand orage, de Aqua.