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                 APPROCHE, SI TU ES HARDI !                          61
mortalité sur le monde et les bêtes. Ah ! le père Débenoît
te racontera ça. Il te dira aussi comment il a détruit par
là, pour tailler des meules de moulin, deux grandes pierres;
sur l'une étaient figurés deux cavaliers joutant l'un contre
l'autre, avec un cœur au milieu pour le but. Entre ces
pierres il y avait un terreau noir, d'où roulèrent quantité
de couteaux à manches de corne et de petites meules de
grès à aiguiser. D'aucuns ont dit qu'on y saignait les pri-
sonniers et qu'on voit sur les rochers des cuvettes et des
rigoles par où coulait le sang humain.
   — J'ai entendu raconter cela chez nous, dit Clément
Favier, écarquillant ses yeux verts, et les fayolles sont
telles dames, si puissantes, si belles, si enviables qu'on
peut bien donner son sang pour elles !
   — Oh ! folâtre fils de chrétienne ; tu perds la tête ; tu
as osé monter dans leur demeure ; mais il en reste une,
la fée Idéah ! Elle apparaît la nuit de la Saint-Jean, sous
le gros poirier du pré de chez Mivière. Les matins, avant
 que la rosée ne soit levée, on peut voir quelquefois sur
l'herbe verte le rond que ses pieds mignons ont tracé dans
 ses passes de nuit.
   — Je la verrai          je lui p a r l e r a i . . . . . . répondit le
jeune valet, et comme les autres le regardaient avec une
 sainte peur et pitié : Oui, oui, je crois que tout ce qui est
 bon et beau est fait pour être conquis. La fleur est pour
 le cœur. Il faut un but dans la vie, une chose qui nous
 charme et nous donne courage. Je ne méprise pas votre
 travail, mes amis ; mais, courbés sur la terre, si une belle
 fée ne vient pas vous reconsoler, les mauvaises envies
 arrivent à votre pensée ; travailleurs, vous jalousez les
 riches, et la fatigue vous casse les bras ; que la fée Idéah
 vienne, je l'embrasserai !
   — Il est fou, le pauvre gars, disaient les ouvriers.