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              LA DAME AUX BÊTES.




   Je l'ai beaucoup connue dans mon enfance et trop souvent
visitée avec mes parents pour ne pas en avoir gardé le sou-
venir impérissable ; c'était une dame qui me semblait fort
âgée alors, mais qui comptait, à coup sûr, beaucoup moins
d'années dans sa vie que d'animaux dans son logis. Veuve,
riche et sans enfants, son cœur aimant, ne sachant à quoi
s'accrocher, avait égrené sa sensibilité sur une foule d'ê'res
de tout format, de toute grosseur, ornés de poils, de plumes,
d'écaillés.
   En pénétrant chez elle, l'oreille était inondée de chants,
de cris de toute nalure: c'était une chienne, nommée
Diane, qui se jetait en jappant entre vos jambes ; des serins
et des canaris enfermés dans une immense volière , et qui
vous assourdissaient de leurs voix multiples ; puis, alors
qu'on s'était assis, c'était une chatte, appelée Doxine, qui se
précipitait sur vos genoux en y abandonnant une large dose
de poils de sa belle fourrure d'angora et quelques puces qui
en faisaient leur tiède domicile. Repousser les angois-
santes caresses de ces deux quadrupèdes eût été une rupture
assurée avec leur maîtresse, il fallait donc les subir en en-
rageant ; puis quand, après s'être résignée leur approche, on
voulait converser avec la Dame aux bêles , deux serins ou
deux canaris, détachés de la volière et suspendus dans une