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DANS LES ALPES. 361 forteresses, des aiguilles, des flèches, des ponts, des arches; des aqueducs semblent surgir autour de vous et défier le ciel : on ne sait par quel point commencer l'assaut de ces fantastiques remparts; aucune voie ne semble praticable dans ce chaos indescriptible. A mesure qu'on avance, l'oreille inquiète perçoit des craquements sinistres; des ébranlements sourds agitent ces masses soutenues entre elles par des mi- racles d'équilibre. Parfois, une détonation prolongée, épou- vantable , frappe l'écho affaibli par l'altitude : c'est une de ces gigantesques agglomérations qui vient de se désagréger. La neige et la glace se ruent alors et s'épanchent comme une lave rapide. Le silence est de rigueur dans ces régions; le moindre ébranlement de l'atmosphère pourrait amener des avalanches. On parle à voix basse, évitant d'éveiller l'ennemi qui est là autour de vous. On conçoit avec quelle sagacité et quelles précautions les - guidés doivent diriger la caravane dans ce passage périlleux. Il leur faut combiner et deviner rapidement chacun des dé- tours et des circuits que l'on doit faire, tâche d'autant plus difficile que, toutes les semaines, la configuration des lieux se modifie par la fonte des glaces. La moindre erreur dans le choix de la voie pourrait amener de terribles conséquences. Rien de plus émouvant et de plus dramatique que l'explora- tion de la route a suivre. De temps a autre on fait halte. Les touristes restent immobiles sous la garde de l'un des guides, puis les autres guides se dispersant en éclaireurs dans plu- sieurs direc-tions, tâtent, sondent, étudient et marquent par des entailles a la hache les points où le passage est possible. L'exploration est souvent longue ; il faut bien des allées et venues pour en venir à bout. Quand elle est complète, les éclaireurs font un signal avec leurs mouchoirs, et les tou- ristes s'ébranlent de nouveau pour accomplir le trajet qui vient d'être déterminé. C'est alors que l'échelle joue un grand