page suivante »
444 LA DAME AUX BÉTES. cage d'honneur au milieu de la chambre, se mettaient à exécuter un duo perçant dont les notes s'élevaient en raison de la vivacité et de l'animation de l'entretien, qu'ellesfinis- saient par dominer et rendre impossible. Si l'on était alors dans la belle saison, et que le temps le permît, on engageait la veuve à faire un tour dans sa magni- fique villa pour se soustraire au carillon insupportable des volatiles ; on sortait donc, mais au lieu de vous montrer les fleurs de son parterre, la patronne du lieu vous conduisait tout droit à un vaste pigeonnier grillagé dont elle vous fai- sait admirer les hôtes brillamment emplumés, qui, tout en roucoulant, laissaient choir sur vos vêlements des choses in- congrues ; le meilleur parti à prendre, pour éviter le sort de Tobie, était alors de marcher tête baissée, car, en cas du mal- heur qui lui advint, l'ange aurait fait défaut pour vous rendre la vue. Après avoir été suffisamment maculé par les pigeons, la veuve vous dirigeait près d'un vaste bassin où s'ébattaient des poissons doués, suivant elle, de l'admirable intelligence de venir manger la mie de pain blanc jetée à la surface de l'eau ; puis, dans leurs charmants ébats, ils faisaient jaillir l'onde au nez des spectateurs, contraints d'admirer, en enra- geant et en s'essuyanl , leur incomparable gentillesse. C'était beaucoup même si vous n'étiez pas conduit dans l'écurie de Madame, où se prélassaient des moutons, des la- pins doués d'une sentimentalité tout exceptionnelle , et des vaches dont rattachement très-sincère pour leur maîtresse allait jusqu'à pousser à son approche'de tendres mugissements, dont elle les payait par des baisers appliqués sur leurs na- seaux fumants, graset luisants. Cependant, il n'y avaitque des amis privilégiés auxquels elle se permettait de dévoiler les délices de son écurie, mais malheureusement nous étions au nombre de ses intimes el obligé de revenir les pieds et les sou-