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LES CROISADES. 151 phes, un gouvernement sans autorité, une administration sans idée ni énergie, une existence sans honneur; un empire si misérable qu'il ne subsiste que par la tolérance des na- tions chrétiennes, et qu'il tombera le jour où leur politique ne sera plus intéressée à le maintenir debout. Mais si les Croisades n'ont point enfanté ces salutaires et glorieux effets, est-ce à dire qu'elles n'ont laissé après elles aucun héritage a recueillir ? Est-ce a dire que, de tant d'expéditions audacieuses, de tant de coups d'épée donnés, de tant de sang répandu, il ne soit resté que le cadre d'une intéressante histoire ou bien les éléments d'une grande épo- pée? Nous ne le pensons pas. Sans nous arrêter à toutes les conséquences qu'on attribue aux Croisades, sans dire avec Heeren que ces expéditions saintes contribuèrent à l'affaiblissement du système féodal, au développement du commerce, des franchises municipales, des rapports entre les peuples, du progrès des arts, des sciences, nous nous contenterons de rappeler celles qui semblent leur appartenir plus directement. Les Crpisades portèrent un coup mortel à la puissance des nations musulmanes qui, excepté les Turcs, moins ex- posés que les autres a la rencontre de nos armées, tombè- rent dès lors en décadence. Elles servirent a établir en Orient la réputation de nos armes, réputation telle que Kilidje-Arslan , pendant sa retraite après la bataille de Do- rylée, si désastreuse pour les Turcs, répondant aux Arabes qui lui reprochaient sa fuite, se justifiait en leur disant: « Ah ! vous n'avez pas éprouvé le courage des Franks, ni la pesanteur des coups qn'ils frappent ; cette force n'est point - humaine, mais céleste ou diabolique ! (i) ». Réputation telle, que, plus de trois siècles après la première Croisade, les (1) Roberli Monachi Hist. Hierosol., lib III.