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480                    LE PÈRE DE LA CHA1ZE.
    Depuis longtemps déjà , Saint-Cyran, dans son livre intitulé
Petrus Aurelius (1636), avait soutenu cette thèse: qu'il fallait
substituer une aristocratie épiscopale au système monarchique
de l'Eglise ; il avait même rêvé la création d'une espèce de pres-
bytérianisme , prétendant que les simples prêtres étaient égaux
aux évêques, de même que les évêques étaient à ses yeux les
égaux du souverain Pontife. «L'abbé de Saint-Cyran, dit Jurieu(-l),
eut commission de combattre l'autorité du Pape , et de faire voir
que le pouvoir qu'il exerce sur les évêques est opposé aux inten-
tions de Jésus-Christ. »
   Au reste, nous aurons plus d'une occasion, dans ce récit, de
prouver combien le jansénisme était hostile à la cour de Rome,
tout en protestant de son profond respect pour son autorité et ses
décisions.
   Le plan que conçut Saint-Cyran, afin d'établir en France la nou-
velle doctrine, prouve suffisamment la rare pénétration de son
esprit. Pour propager une idée et l'enraciner, il ne suffit pas de la
semer dans des livres, il faut de plus la faire germer dans des
cœurs capables de la recevoir, de la nourrir et de la répandre.
Les femmes semblent appelées plutôt que les hommes à recueillir
les premiers germes de la vérité ou de l'erreur ; leurs impressions
sont plus faciles, leur imagination est plus vive, leur foi plus
ardente, leur dévoûment plus absolu. La première pensée de
Saint-Cyran fut donc de s'adresser aux pieuses filles de Port-Royal ;
il s'insinua auprès d'elles ; sa parole était austère et entraînante ;
il frappa vivement leur esprit en leur présentant la religion chré-
tienne sous un aspect sombre et terrible, et il ne tarda pas à
compter parmi elles des âmes toutes prêtes à défendre ses
maximes avec la sainte obstination des martyrs. Deux femmes
éminentes parleurs vertus et par leur savoir, Angélique et Agnès
Arnauld, qui étaient placées à la tête de ce monastère devenu
depuis si célèbre, furent séduites par l'apôtre de la prédestina-
tion, et elles entraînèrent à leur suite leur docile troupeau.
  L'intention de Saint-Cyran était de ruiner l'Ordre des Jésuites,

  (I) Esprit de M. Arnauld, t. itr, p. 227, par Jurieu, ministre protestant.