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478 LE PÈRE DE LA CHA1ZE. personnages les plus influents et les moins connus du grand siècle, nous avions deux marches à suivre : nous renfermer dans une simple esquisse biographique, ou développer les principales questions religieuses qui se produisirent sous le ministère du cé- lèbre confesseur du Roi. Pour peindre l'homme, une aride bio- graphie eût été, sans aucun doute, insuffisante. Comment, en effet,, isoler de la scène cette importante figure ? comment la mettre en vue sans parler des événements religieux qui sont, pour ainsi dire, le fond indispensable d'un tel tableau? Le jansénisme qui, pendant plusieurs années, s'était assoupi, se réveilla avec une énergie incroyable vers les dernières années de la vie du Père de la Chaize. C'est donc naturellement que nous avons été amené à porter un jugement sur l'ensemble de cette grave question. Dans plusieurs circonstances, nous verrons le confesseur de Louis XIV, toujours fidèle à ses principes de modération, mettre en œuvre toute son influence pour calmer ces nouveaux orages ; nous le verrons -se montrer en même temps aussi sévère sur les points de doctrine qu'indulgent envers les personnes. En 1G40, parut un énorme in-folio, intitulé Augustinus. L'au- teur de ce livre, Jansenius, évêque d'Ypres, avait consacré vingt ans de sa vie à le composer j il s'était proposé d'y développer la doctrine de saint Augustin sur la grâce , mais il exagéra tellement le sens et la portée de certains passages des écrits du saint doc- teur contre les Pélagiens, qu'il lui prêta la plus dangereuse de toutes les hérésies : la négation absolue du libre arbitre de l'homme dans ses actes. VAugustinus ne fut point imprimé du vivant de son auteur, soit que la mort l'eût surpris, soit qu'il eût redouté les censures de Rome. « La doctrine que j'ai puisée dans saint Augustin, écrivait-il à Saint-Cyran (lettre H3 e ), plon- gera le monde dans la stupeur. » Plein d'anxiété sur le sort de son livre , l'évêque d'Ypres déclarait dans son testament qu'il le soumettait d'avance aux décisions du Pape. On ne tint aucun compte des dernières volontés du mourant, et VAugustinus fut imprimé en 1640. A peine cut-il paru, que Saint-Cyran, le conseiller, l'ami et le