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LE PÈRE DE LA CHAIZE. 47/ posons d'examiner dans cet essai. Le jansénisme a été envisagé sous toutes ses faces au point de vue dogmatique, pendant les deux derniers siècles : il ne l'a jamais été que d'une manière très- imparfaite au point de vue politique. Aujourd'hui, la doctrine de Jansénius et l'influence qu'elle a exercé sur les événements, sont tombées dans l'oubli. On ne se souvient que des services rendus à la science et à la littérature par les solitaires de Port-Royal ; leur nom a su même éveiller encore, dans certaines œuvres contemporaines, d'éclatantes sympathies. Ainsi qu'aux beaux jours de la Fronde, il est toujours de mode de louer Port-Royal. Du naufrage du jansénisme il ne reste qu'un livre, mais ce livre pèse encore d'un poids considérable sur l'opinion. Peu de per- sonnes l'ont lu, encore moins en est-il qui aient pris la peine d'étudier les bases peu solides sur lesquelles il repose; n'importe, le style des Provinciales est immortel, et la calomnie est immor- telle comme les Provinciales. Le résultat visible produit par ce livre, nul ne l'ignore : la chute de la Compagnie de Jésus, en 1762, est due bien plutôt, on le sait, à la plume acérée de Pascal, qu'à l'ordonnance royale contresignée par Choiseul. Mais il est une autre conséquence , qui, pour être moins apparente, n'en fut pas moins réelle, et qui, sans doute, eût effrayé l'auteur des Petites Lettres, s'il eût pu la prévoir : c'est qu'en introduisant l'ironie dans les controverses religieuses , il prépara , beaucoup plus qu'on ne le suppose, la sacrilège polémique du XVIIIe siècle ; c'est qu'il offrit à Voltaire le modèle de l'arme terrible dont il devait se servir avec une si infernale habileté ; c'est que, sans le vouloir , sans qu'il s'en doutât, il porta un coup fatal au ca- tholicisme lui-même. Candide est , pour la forme et le procédé, l'héritier direct des Provinciales. Examinons donc, d'un coup d'œil rapide, le jansénisme dans sa source, pour en comprendre les conséquences au point de vue religieux et politique. Une telle recherche n'est pas sans intérêt ; elle ne sera pas non plus hors de propos. C'est seulement après avoir pénétré les causes d'un événement qu'il nous est permis d'en apprécier toute la portée. Lorsque nous avons entrepris ces modestes études sur l'un des