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396 UNE PRIMA DONNA faute, avouer le plagiat et entrer dans des justifications qui n'au- raient pas manqué d'être interprétées comme un sentiment de couardise, de pusillanimité dont la seule pensée le révoltait. Il préféra donc accepter le duel avec ses chances homicides et persévérer dans le mensonge, pensant qu'il y avait là pour lui un point d'honneur. Où l'honneur va-t-il se nicher V A l'heure indiquée, Ludovic partit pour le rendez-vous avec ses témoins. Il avait pris les plus minutieuses précautions pour que personne dans la maison paternelle ne connût la cause de son absence. Avant de partir, il avait été embrasser sa mère, et il l'avait fait avec tant de tendresse et de mélancolie qu'elle ne put s'empêcher de dire : — Où vas-tu donc, mon Ludovic, tu parais soucieux et triste, souffrirais-tu ? — Non, ma mère. —Je ne sais, mais je crains que tu ne me caches quelque chose, mon cher enfant. — Rassurez-vous, bonne mère, dit le jeune homme, je n'ai rien et je reviendrai bientôt vous embrasser de tout mon cœur, comme je vous aime. Puis il partit en renfonçant deux grosses larmes qui lui roulaient dans les jeux. En ce moment Ludovic pensait aux chances du combat qui pouvaient ravir un fils bien-aimé à sa mère et remplir d'amer- tume et de deuil les derniers jours de sa vie. Cette bonne pensée aurait dû l'arrêter sur le seuil de la maison paternelle. Mais trop souvent une fausse honte gouverne les actions des hommes. La vanité fait taire le sentiment. Le sentiment. parle et la vanité crie. Ludovic refoula donc au fond de son cœur cette pieuse pensée comme il avait renfoncé ses larmes. Arrivé sur le terrain, il fit bonne contenance. Il ne rom- pit pas d'une semelle vis à vis de son adversaire , évidemment beaucoup plus fort sur l'escrime que lui, plus jeune, et qui ne comptait encore que quelques mois de salle d'armes. Plus celui-ci se montrait preste et ferme aux dégagements, plus l'autre devenait furieux à l'attaque, pressant les coups de