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LUS ANCIENS MANUSCRITS. 359 pas lire a l'âge de douze ans ; il vit un jour entre les mains de Judith, fille de Charles-le-Chauve, un élégant manuscrit que lisait la princesse ; séduit par la richesse de ces ornements, il commença dès lors, par amour pour le beau livre, cette vie studieuse et appliquée dont il contracta l'habitude. L'histoire de la calligraphie n'est pas sans intérêt ; il est curieux d'observer ses phases successives, ses modifications incessantes sous l'empire des idées qui dominent chaque siècle ; de voir par quels efforts habilement dirigés, par quelle série d'études renouvelées des antiques traditions, par quelle protection non interrompue, due tantôt à des souverains, tantôt a des prélats, l'art de l'illuminateur, sui- vant toujours pas à pas le mouvement général artistique, arrive enfin a de si grands développements : nous le voyons d'abord pratiqué par les Egyptiens, puis par les Grecs et les Romains, perdu pour ainsi dire durant les bas siècles, reparaître momentanément avec un certain éclat, mais bien- tôt entravé par la fureur des iconoclastes comme aussi par les terreurs religieuses que causait l'approche de l'an 1000, s'élever vers le quatorzième et le quinzième siècles au plus haut point de splendeur, puis enfin, dégénéré et insensible- ment abâtardi, s'éteindre complètement sous le règne de Louis XIV. Je soumets aux archéologues une réflexion qui m'a sou- vent frappé. Les gouaches qui ornent les manuscrits du Moyen-Age et ceux de la Renaissance me semblent offrir aux études archéo- logiques plus de ressources que la sculpture et la peinture monumentale, au moins en ce qui louche aux usages domes- tiques, a la vie intime et aux habitudes privées de nos pères : artisans et laboureurs, princes et grands seigneurs, moines et soldats, tous y figurent successivement avec la physio- nomie qui leur est propre.